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Jean-Claude Perez
Question N° 109766 au Ministère de la Justice


Question soumise le 31 mai 2011

M. Jean-Claude Perez alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les risques d'atteintes graves aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République que constituent les modifications de l'ordonnance du 2 février 1945 régissant la justice pour les mineurs par le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. Tout d'abord, la création d'un tribunal correctionnel pour les adolescents de 16-18 ans sonne le glas de la spécificité de la justice des mineurs et contrevient à l'article 1er de l'ordonnance du 2 février 1945. Elle marginalisera les tribunaux pour enfants dont la majorité des prévenus appartiennent déjà à cette tranche d'âge, créant de fait une véritable juridiction d'exception. Ensuite, la composition de ce tribunal est problématique puisqu'il n'y aura qu'un seul juge des enfants siégeant aux côtés de deux magistrats non spécialisés. Selon l'article 2 du projet de loi, deux jurés populaires pourront être convoqués. Alors qu'auparavant le tribunal pour enfants permettait la présence de deux assesseurs choisis pour leurs compétences quant aux questions de l'enfance, cette garantie disparaît avec leur remplacement par des jurés. De plus la procédure pénale applicable aux mineurs tend à se rapprocher dangereusement de celle applicable aux majeurs. En effet l'introduction d'une saisine de la juridiction de jugement par convocation délivrée par un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République (modification de l'article 8-3 de l'ordonnance de 1945) existe déjà pour les majeurs. Couplée à la procédure de présentation immédiate, cette mesure donne au parquet l'entière maîtrise de l'audience au détriment du juge pour enfants, connaissant pourtant le mieux les dossiers des enfants qu'il suit. L'introduction de condition d'âge, d'existence d'un dossier de personnalité ne sont pas des garanties suffisantes pour une procédure figurant déjà dans la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite LOPPSI 2) et sanctionnée par le Conseil constitutionnel le 10 mars 2010. Enfin, ce projet de loi apporte une réponse judiciaire disproportionnée et inadaptée. Cette disproportion est clairement visible dans l'instauration de l'automaticité du renvoi des mineurs récidivistes devant le tribunal correctionnel qui empêche toute modulation en fonction de la gravité de l'infraction. Ce projet de loi fera augmenter le nombre d'incarcérations puisqu'il ouvre la possibilité de placer sous contrôle judicaire des mineurs de moins de seize ans sans antécédents lorsqu'ils ont commis certaines violences. Enfin, alors que le Conseil constitutionnel avait annulé l'article de la LOPPSI 2 permettant de sanctionner pénalement le parent d'un mineur, ce projet de loi procède de la même logique lorsqu'il instaure la possibilité de délivrer un ordre d'amener les parents d'un mineur. Cela constitue un traitement pénal des difficultés familiales qui va à l'encontre de la restauration de la place des parents dans le parcours de mineurs les plus en détresse. Face au risque de nouvelles sanctions de la part du Conseil constitutionnel, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur cette question.

Réponse émise le 4 octobre 2011

La loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs renforce la lutte contre la récidive en apportant une réponse pénale progressive et adaptée à la délinquance juvénile. La création d'un tribunal correctionnel pour mineurs, validée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-635 DC du 4 août 2011, reprend une proposition de la « commission Varinard ». Il s'agit de l'expression du principe de progressivité de la justice pénale des mineurs en matière processuelle : à la progressivité des sanctions doit correspondre une progression dans les formations compétentes pour juger les mineurs récidivistes. Le mineur âgé de plus de seize ans poursuivi, en état de récidive légale, pour un ou plusieurs délits dont la peine encourue est supérieure ou égale à trois ans sera jugé selon une procédure adaptée : un tribunal correctionnel pour mineurs appliquant les spécificités procédurales prévues par l'ordonnance du 2 février 1945 sera en effet compétent. L'introduction de la possibilité pour le parquet de faire convoquer le mineur par officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfants accélère le traitement des dossiers impliquant des mineurs déjà connus de la justice. Il ne s'agit pas de juger immédiatement le mineur, mais de le faire comparaître dans un délai compris entre dix jours et deux mois dans des conditions strictement encadrées, validées par la décision du Conseil constitutionnel du 4 août 2011. Ce dispositif est applicable aux mineurs de treize à seize ans lorsque la peine encourue est d'au moins cinq ans (même seuil que celui permettant la prolongation de garde à vue de ces mineurs, le recours à la procédure de présentation immédiate ou le placement sous contrôle judiciaire) et aux mineurs de seize à dix-huit ans lorsque la peine encourue est d'au moins trois ans (seuil permettant leur placement en détention provisoire). La prise en compte de la personnalité du mineur sera améliorée : un dossier unique de personnalité regroupant l'ensemble des éléments relatifs à la personnalité du mineur renforcera la cohérence des réponses pénales et la continuité de la prise en charge éducative. La césure du procès pénal des mineurs favorisera la prise en considération de l'évolution de la personnalité du mineur avant le prononcé de la mesure, la sanction éducative ou de la peine, sans obérer la célérité de la décision sur la culpabilité et la rapidité de la réparation du préjudice de la victime. Le dispositif des centres éducatifs fermés, dont la loi élargit les possibilités de recours, apporte en outre une réponse adaptée à l'évolution de la délinquance des mineurs et prévient efficacement le risque de réitération tout en amorçant une action d'éducation en milieu contraint. Les centres éducatifs fermés offrent également une réponse pertinente pour les mineurs les plus ancrés dans la délinquance ou à ceux qui commettent les actes les plus graves. La prise en charge pluridisciplinaire et renforcée - les mineurs ne peuvent sortir sans accompagnement et sont pris en charge par des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, de l'éducation nationale, de la santé - favorise l'éducation des mineurs délinquants manquant gravement de repères. Le caractère contenant des centres éducatifs fermés offre en outre aux magistrats une alternative supplémentaire à l'incarcération. De ce fait, les centre éducatifs fermés contribuent fortement à la baisse du nombre de mineurs détenus enregistrée sur la période depuis 2002 jusqu'à 2010, soit 13 % représentant une centaine de mineurs en moyenne, la fourchette du nombre de mineurs détenus se stabilisant entre 700 et 750 mineurs. Le projet de loi renforce également l'implication des parents dans la procédure pénale. Ceux qui ne comparaissent pas pourront être condamnés à suivre un stage de responsabilité parentale à titre de peine complémentaire outre la peine d'amende déjà prévue à l'article 10-1 de l'ordonnance du 2 février 1945. S'inspirant des dispositions applicables aux témoins, le texte permet de faire comparaître par la force publique ceux qui ne répondraient pas aux convocations judiciaires.

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