M. Serge Poignant attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur l'inaccessibilité des manuels scolaires et fichiers numériques en ce qui concerne les enfants dyspraxiques. Les personnes dyspraxiques ont le plus souvent des troubles d'organisation du regard et des troubles du traitement des informations spatiales qui les empêchent de repérer les informations pertinentes sur une page standard de manuel scolaire. Ils ne peuvent donc ni accéder aux contenus de manuels scolaires, ni réaliser des exercices proposés dans les manuels et fichiers. Pour rendre les supports scolaires accessibles, des adaptations sont préconisées dans tous les projets personnalisés des élèves dyspraxiques. La mise en place et la diffusion de ces adaptations se heurtent à la loi des droits d'auteur quand elles concernent des manuels scolaires. En effet la loi du 1er août 2006 prévoyait une exception handicap aux droits d'auteur mais le décret d'application n° 2008-1391 du 19 décembre 2008 précise que cette exception ne peut s'appliquer que lorsque le taux d'incapacité est supérieur à 80 % ou lorsqu'un certificat médical atteste qu'une personne est atteinte d'une incapacité de lire avec correction si celui-ci est délivré par un médecin ophtalmologiste. Or le taux d'handicap des enfants dyspraxiques n'atteint jamais 80 % sauf en cas d'handicap associé. Leur acuité visuelle mesurée par un ophtalmologiste n'est pas plus atteinte que celle des autres enfants. Cette situation propre aux élèves dyspraxiques concerne aussi des enfants dyslexiques, des enfants autistes, des enfants présentant des troubles de l'attention, des enfants atteints de troubles moteurs, des enfants atteints de troubles neuro-visuels. Il lui demande si le décret d'application n° 2008-1391 peut être amélioré en permettant que l'exception aux droits d'auteur soit appliquée pour toutes les personnes en situation de handicap pour lesquels un certificat médical précise qu'elles ont besoin de fichiers numériques et/ou d'adaptations des supports scolaires, et ce quel que soit leurs taux de handicap.
La loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, en son article premier, a modifié l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle (CPI), afin d'introduire au bénéfice des personnes en situation de handicap une nouvelle exception au droit des auteurs de s'opposer à la reproduction et à la représentation de leurs oeuvres. Elle a également assorti les droits voisins (L. 211-3 6° ) et les droits des producteurs de bases de données (L. 342-3 3° ) de la même exception que celle consacrée par le 7° de l'article L. 122-5. Le bénéfice de l'exception est réservé aux « personnes atteintes d'une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, dont le niveau d'incapacité est égal ou supérieur à un taux fixé par décret en Conseil d'État ». Le décret n° 2008-1391 du 19 décembre 2008, relatif à la mise en oeuvre de cette exception, est venu préciser le niveau d'incapacité au-delà duquel les personnes atteintes d'un handicap peuvent bénéficier de l'exception, quelle que soit la nature de ce handicap. Ce taux a été fixé de manière à satisfaire les besoins d'accès aux oeuvres des personnes handicapées tout en préservant les intérêts légitimes des auteurs et des éditeurs. A cet égard, le régime de l'exception est strictement encadré par la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, qui impose qu'elle ne puisse concerner que des « utilisations [...] directement liées au handicap », « de nature non commerciale », et « dans la mesure requise par ledit handicap ». L'article L. 122-5 du CPI adapte au droit français ces conditions, notamment en fixant le taux de handicap à un niveau suffisamment élevé pour réserver le bénéfice de l'exception aux seules personnes qui sont « empêchées » d'accéder à une oeuvre. L'introduction de cette exception au droit d'auteur et aux droits voisins a créé un contexte favorable au développement de l'accès à la lecture des personnes souffrant d'un handicap visuel. Pourtant, force est de constater qu'encore une très faible part de la production éditoriale française (de l'ordre de 3 à 5 %) est aujourd'hui accessible aux déficients visuels. De plus, les besoins d'adaptation ne sont pas forcément pris en compte dans leur diversité (braille, gros caractères, format audio, . . ), de même que l'édition adaptée, réalisée par une très grande diversité d'acteurs, de taille variable, qu'il s'agisse d'associations ou de maisons d'édition, est parfois redondante et, en tout état de cause, difficilement repérable sur l'ensemble du territoire français. Le ministre de la Culture et de la Communication vient donc de charger l'inspection générale des affaires culturelle de procéder à un état des lieux de l'édition adaptée, de ses acteurs et de ses besoins. Cette mission aura pour objet d'étudier les possibilités d'une meilleure coordination des actions entre les différents acteurs de ce secteur, afin d'améliorer le signalement des collections adaptées et de développer la diffusion de cette production, pour encourager la mutualisation des efforts et des expériences. Dans un contexte de généralisation de la production de livres numériques par les éditeurs, cette réflexion devra notamment prendre en compte les besoins des personnes qui, sans être bénéficiaires de l'exception, ne peuvent pas pour autant avoir accès à la lecture et qui pourraient relever d'une offre commerciale adaptée, aujourd'hui peu ou pas développée. La mission évaluera ainsi les difficultés rencontrées pour l'adaptation d'oeuvres en direction des enfants présentant des troubles de la coordination motrice, tels que la dyspraxie, et identifiera des pistes opérationnelles d'amélioration de l'accès de ces enfants aux oeuvres.
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