M. Laurent Hénart attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les actes de procédure pouvant être délégués par un juge d'instruction. Conformément à la législation, un magistrat instructeur peut prescrire en vue de la constatation des infractions, tous les actes d'information utiles à la manifestation de la vérité, notamment l'enregistrement de conversations privées. La jurisprudence rappelle que celles-ci doivent avoir lieu sous son contrôle et dans des conditions ne portant pas atteinte au droit de la défense. Dès lors, certains magistrats effectuent l'enregistrement de conversations privées de détenus à l'occasion de visites de leur famille ou de leurs proches dans les salles de parloir de maison d'arrêt où la personne mise en examen est placée en détention. Ces enregistrements effectués à l'insu des détenus et de leurs interlocuteurs sont transcrits sur procès-verbaux versés à la procédure. Leur contenu lorsqu'il constitue des éléments utiles aux poursuites, voire même des charges suffisantes, est invoqué à l'appui de mise en accusation ou plus simplement de renvoi devant une juridiction de jugement. Ce procédé, certes conforme à la loi, porte une atteinte à la vie privée du détenu et constitue une entrave à sa réinsertion. La Commission européenne des droits de l'homme a d'ailleurs condamné la France, suite à des enregistrements de conversations pour violation du droit à l'intimité. Aussi, il lui demande s'il ne lui apparaît pas opportun de légiférer en la matière et d'interdire l'enregistrement des conversations dans un parloir ou de limiter le pouvoir de prescrire en vue de la constatation des infractions, l'enregistrement des conversations privées dans les parloirs, échangées entre un détenu et les membres de sa famille ou ses proches, aux seules fins qu'exige la sécurité de la détention.
La garde des sceaux indique à l'honorable parlementaire que la législation relative à la sonorisation de lieux et notamment les parloirs est aujourd'hui en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme avait condamné la France le 31 mai 2005 pour violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme au motif que la sonorisation d'un appartement privé ne pouvait avoir pour base légale les articles 100 et suivants du code de procédure pénale relatifs aux interceptions téléphoniques judiciaires et que le droit français ne prévoyait pas avec assez de clarté l'étendue et les modalités d'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités judiciaires sur le recours à un procédé de sonorisation. Or, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, dite loi Perben 11, a introduit dans le code de procédure pénale des dispositions réglementant très précisément les conditions dans lesquelles il peut être recouru à la sonorisation (art. 706-96 et suivants). Ces dispositions sont applicables aux sonorisations des parloirs. Ainsi, un tel dispositif, qui ne peut être ordonné que par un magistrat instructeur après avis du procureur de la République, ne peut être mis en oeuvre que pour les infractions limitativement énumérées à l'article 706-73 du code de procédure pénale, à savoir les infractions relevant de la criminalité organisée. Un procès-verbal des opérations de sonorisation est établi et la transcription des conversations ne peut porter que sur celles susceptibles d'être utiles à la manifestation de la vérité, à l'exclusion des séquences de la vie privée étrangères aux infractions (art. 706-101, alinéa 1er, du code de procédure pénale). Si des conversations d'ordre privé sont enregistrées, elles ne peuvent donc pas être transcrites. Enfin, les enregistrements effectués sont placés sous scellés et sont détruits à la diligence du procureur de la République à l'expiration du délai de prescription de l'action publique (art. 706 du même code). Dans un arrêt du 1er mars 2006, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé conforme à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme la mise en place d'un dispositif de sonorisation dans un parloir de prison, au motif que l'interception des conversations entre un détenu et ses visiteurs au parloir avait eu lieu dans les conditions et formes prévues aux articles 706-96 et suivants du code de procédure pénale, et que cette sonorisation, ordonnée par un juge d'instruction, pour une durée limitée, était justifiée par la nécessité de rechercher la manifestation de la vérité, relativement à des infractions portant gravement atteinte à l'ordre public. La sonorisation des parloirs dans les formes et conditions prévues par le code de procédure pénale constitue certes une atteinte au respect de la vie privée mais également une ingérence nécessaire à la manifestation de la vérité. Il convient de noter que d'autres ingérences sont prévues par la loi. Ainsi, l'article D. 406 du code de procédure pénale prévoit qu'en toute hypothèse un surveillant est présent au parloir ou au lieu de l'entretien et doit avoir la possibilité d'entendre les conversations. De même, l'article 727-1 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, dispose que les communications téléphoniques que les détenus ont été autorisés à passer peuvent, à l'exception de celles avec leur avocat, être écoutées, enregistrées ou interrompues par l'administration pénitentiaire sous le contrôle du procureur de la République dans le but de prévenir des évasions et assurer la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires.
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