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Jacques Remiller
Question N° 10892 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 20 novembre 2007

M. Jacques Remiller appelle l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la sous-représentation des jeunes générations dans le corps électoral qui, ne prenant pas en compte les plus jeunes de nos compatriotes, ne reflète pas le vrai visage de notre pays. Pourquoi les personnes âgées décideraient-elles de l'avenir d'un monde dans lequel elles ne vivront plus. L'association Familles de France propose donc de faire évoluer le suffrage universel en donnant plus de poids électoral aux citoyens qui ont des enfants à charge et de valoriser ainsi les jeunes familles de notre pays. De même qu'il a paru légitime d'accorder, sous certaines conditions, le droit de vote aux majeurs sous tutelles par l'intermédiaire de leur tuteur familial, de même il serait opportun d'accorder une véritable reconnaissance électorale aux jeunes générations sous tutelle parentale. Les parents pourraient ainsi se partager les voix de leurs enfants jusqu'à leur majorité, et en cas de nombre impair d'enfants, c'est la mère qui aurait une voix supplémentaire, eu égard à son rôle essentiel dans l'éducation des enfants. Le principe constitutionnel « un homme - une voix » serait respecté, mais élargi à tous les Français. Il souhaite connaître sa position sur cette proposition.

Réponse émise le 12 février 2008

Le principe « un homme, une voix » est consacré par l'article 3 de la Constitution. A contrario, le vote plural et le vote multiple sont étrangers au droit français, à l'exception de la loi électorale du 29 juin 1820, dite loi du double vote, abolie par la charte constitutionnelle du 14 août 1830. Au surplus, le Conseil constitutionnel a rappelé que l'attribution de voix supplémentaires à des électeurs est contraire au principe d'égalité devant la loi ainsi qu'à la règle de l'égalité du suffrage (décision n° 78-101 DC du 17 janvier 1979). La proposition d'instaurer le vote familial au bénéfice des parents soulève plusieurs inconvénients. Elle est parfois présentée comme le moyen de réaliser le suffrage universel intégral par une représentation des différents intérêts composant la société. Cette idée est en opposition avec la vision individualiste de l'électorat sur laquelle est fondée la tradition démocratique française. L'assimilation du vote familial à une procuration naturelle n'est pas juridiquement satisfaisante. L'analogie avec l'article L. 5 du code électoral qui prévoit la non inscription des majeurs placés sous tutelle ne vaut pas en l'espèce puisque la loi n'a pas institué une interdiction absolue, le juge des tutelles ayant un pouvoir d'appréciation. Il n'en est pas de même avec la majorité électorale qui est d'ailleurs habituellement liée en France à la majorité civile. Or la majorité électorale, qui est une des conditions exigées pour appartenir au corps électoral, reste associée à la maturité d'esprit communément admise. Envisager son exercice par les parents ne peut que susciter des réactions hostiles au moment même où certains Etats ont abaissé le droit de vote à dix-sept ans (Indonésie, Seychelles, Soudan, Corée du Nord, élections municipales en Israël) voire seize ans (canton de Glatis en Suisse, certains Liinder en Allemagne, Autriche, Chypre, Brésil, Nicaragua, Cuba). Le vote familial serait également motivé par la volonté de corriger la sous représentation des jeunes générations du fait de la surreprésentation des personnes âgées dans le corps électoral. Or le nombre important dans la société française, et donc au sein de l'électorat, des personnes âgées est une réalité démographique qu'on ne peut nier. De plus, si les travaux de science politique révèlent que la participation des jeunes générations est proportionnellement plus faible que celle des personnes âgées, ces dernières manifestant un civisme toujours supérieur à la moyenne, cette participation élevée tend à diminuer rapidement à partir de quatre-vingts ans. Enfin, les intérêts des jeunes générations ne sont pas ignorés en matière électorale puisque la population servant de base pour déterminer le nombre d'élus et délimiter les circonscriptions électorales inclut les mineurs et les étrangers.

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