M. Lionel Tardy attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le statut juridique des conclusions des rapporteurs publics et des commissaires du gouvernement devant les juridictions administratives. Actuellement, ces documents ont un statut privé, leur communication au public dépend de la seule volonté de leur auteur et, lorsqu'elles sont effectivement communicables, ces conclusions demeurent frappées d'une redevance réglementaire (10 € devant les formations d'assemblée ou de section du Conseil d'État, 7 € devant les autres formations) perçue par le Centre de recherche et de diffusion juridique du Conseil d'État. Pourtant, ce sont des documents importants quant à l'accès au droit des justiciables, permettant de comprendre la logique d'un arrêt, notamment parce que les attendus et motivations ne sont pas toujours explicites, ou lorsque l'arrêt est rendu contre les conclusions du commissaire du gouvernement. En l'état actuel du droit, l'absence de dépôt systématique au greffe contrairement aux rapports d'expertise (article L. 621-9 du code de justice administrative) aboutit à ce que les conclusions des rapporteurs publics et des commissaires du gouvernement ne soient pas considérées comme des archives publiques au sens de l'article L. 211-1 du code du patrimoine. Il souhaite savoir s'il envisage une évolution qui permettrait de publier systématiquement les conclusions du commissaire du gouvernement ou du rapporteur public en annexe de l'arrêt.
Le principe de l'oralité des conclusions du rapporteur public, consacré par l'article L. 7 du code de justice administrative, exclut la systématicité de leur publication. Par ailleurs, la loi du l'août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information a modifié l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, en prévoyant désormais, à l'alinéa 3, que les agents publics disposent d'un droit de propriété incorporelle exclusif sur les oeuvres de l'esprit qu'ils ont créées. Les agents publics disposent ainsi seuls, en tant qu'auteurs, du droit de divulguer leur oeuvre, comme le rappelle l'article L. 121-2 du même code. Si l'exercice de ce droit peut être limité afin de respecter les obligations auxquelles sont soumis les agents publics, et notamment le principe de subordination hiérarchique, et doit tenir compte des nécessités du service, une telle limite ne peut être opposée au rapporteur public, lequel, ainsi que le Conseil d'État l'a rappelé dans une décision du 28 juillet 1998, « Esclatine », « a pour mission d'exposer les questions que présente à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient ». Ainsi, le rapporteur public, qui n'est soumis à aucune autorité hiérarchique dans l'exercice de ses fonctions, peut librement disposer des conclusions qu'il prononce à l'audience.
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