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Chantal Robin-Rodrigo
Question N° 108273 au Ministère du de l'État


Question soumise le 10 mai 2011

Mme Chantal Robin-Rodrigo attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur la décision du Comité européen des droits sociaux (CEDS) du Conseil de l'Europe en date du 23 juin 2010 portant sur les forfaits en jour et les astreintes. En effet, ladite décision, rendue publique le 14 janvier 2011, conclut à la violation par la France de la charte sociale européenne révisée (CSER). L'un des éléments essentiels de cette décision porte sur le régime des forfaits en jours. Dans sa décision, le CEDS conclut « qu'aucune limite n'est prévue pour la durée hebdomadaire du travail dans le système du forfait en jours. C'est, par conséquent, la règle du repos minimum prévue par l'article L. 3132-2 du code du travail qui entraîne une limitation de la durée hebdomadaire du travail. Ce repos hebdomadaire doit être de 35 heures consécutives, à savoir 24 heures de repos hebdomadaire prévues à l'article L. 3132-2 auxquels s'ajoutent 11 heures de repos quotidien en vertu de l'article L. 3131-1. Cela implique que, quelles que soient les circonstances, les salariés concernés ne seront amenés à travailler que 78 heures par semaine. Le Comité estime toutefois qu'une telle durée est manifestement trop longue pour être qualifiée de raisonnable au sens de l'article 2§1 de la charte révisée [...] Le Comité constate que la loi n'impose pas que les conventions collectives prévoient une durée maximale, journalière et hebdomadaire. Il note que, même si les partenaires sociaux ont en pratique la possibilité de le faire, il n'est plus prévu que lesdites conventions fixent des modalités de suivi et notamment la durée quotidienne et la charge de travail. Ceci est désormais essentiellement traité à l'occasion d'un entretien annuel d'un travailleur avec son employeur (article L. 3121-46) et d'une consultation annuelle du comité du personnel (article L. 2323-29). Le Comité considère que, de ce fait, la procédure de négociation collective n'offre pas de garanties suffisantes pour que l'article 2§1 soit respecté [...] De plus, le Comité relève que les conventions collectives peuvent être conclues au sein de l'entreprise. Or il estime qu'une telle possibilité, en ce qui concerne la durée du travail, n'est pas conforme à l'article 2§1 que si des garanties spécifiques sont prévues. Il relève à cet égard que la procédure d'opposition prévue aux articles L. 2232-12, L. 2232-13 et L. 2232-27 du code du travail ne constitue pas une telle garantie, car sa mise en oeuvre continue à présenter un caractère trop aléatoire. Par conséquent, le Comité conclut que la situation n'est pas conforme à l'article 2§1 de la charte révisée [...] En conséquence, le Comité dit que la situation des salariés avec forfaits en jours sur l'année constitue une violation de l'article 2§1 de la charte révisée en raison de la durée excessive du travail hebdomadaire autorisée, ainsi que de l'absence de garanties suffisantes ». Aussi elle lui demande de lui indiquer les mesures qu'il entend prendre (et le calendrier afférent) afin de mettre les dispositions statutaires applicables aux trois fonctions publiques (d'État, territoriale et hospitalière) en conformité avec cette décision européenne pleinement opposable à la France.

Réponse émise le 6 mars 2012

Le Comité européen des droits sociaux (CEDS) du Conseil de l'Europe a pour mission de veiller à la conformité des situations nationales à la charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996.

 

Par décision rendue publique le 14 janvier 2011, le CEDS a notamment considéré que les dispositions du code du travail relatives au « forfait cadre » étaient contraires à la charte sociale européenne révisée au motif qu’elles ne permettaient pas de garantir une durée raisonnable du temps de travail.

La question des conséquences de cette décision en droit interne français, s’agissant plus particulièrement des agents des trois fonctions publiques, appelle les observations suivantes.

Par une jurisprudence constante, le Conseil d’Etat juge que les articles de la charte sociale européenne révisée ne produisent aucun effet direct à l’égard des particuliers et des agents publics (CE, 21 octobre 2005, association Aides et autres associations, n° 285577 ; CE, 2 octobre 2009, Union syndicale solidaires Isère, n° 301014 ; CE, 19 mars 2010, Syndicat national des officiers de Police, n° 317225 ; CE, 23 décembre 2010, Association Aides et autres associations, n° 335738 ; CE, 24 août 2011, Association Vaincre l’autisme, n° 332876).

Par ailleurs, les termes de la décision du CEDS du 14 janvier 2011 ne sont pas applicables et « transposables » aux agents publics. En effet, alors que les relations de travail des salariés sont régies par les dispositions du code du travail, relèvent du contrat et de l’ordre public social (par la négociation de conventions collectives et d’accords de branches), les agents publics de l’Etat sont dans une situation légale et réglementaire.

 

Le fait que la loi n’impose pas que les conventions collectives prévoient une durée maximale de temps de travail hebdomadaire et des modalités de suivi du temps de travail n’a donc aucune incidence sur les agents publics dans la mesure où ce type de convention n’existe pas dans le droit de la fonction publique.

 

En tout état de cause, les dispositifs réglementaires spécifiques applicables aux agents des trois versants de la fonction publique respectent à la fois les objectifs de la charte sociale européenne révisée de 1996 et les prescriptions fixées par la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993.

 

S’agissant de la fonction publique de l’Etat et des magistrats, l’article 10 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat et dans la magistrature  prévoit que la mise en œuvre d’un régime de travail spécifique, en l’occurrence le régime de décompte en jours de la durée annuelle du travail effectif, ne peut se faire que dans le respect des dispositions de l’article 3 de ce même décret, qui fixe la liste des garanties minimales relatives à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs (durées maximales de travail, minima de temps de repos).

 

Des dispositions similaires existent pour les agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, respectivement fixées par le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 et par le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002.

 

 

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