M. Alfred Marie-Jeanne attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur les conditions de la lutte contre la cercosporiose noire du bananier. Encore récemment, les îles de la Martinique, de la Dominique et de la Guadeloupe étaient épargnées. Cependant, la réglementation extrêmement rigoureuse interdisant l'importation des végétaux n'a pas empêché l'introduction de la maladie des raies noires en Martinique en septembre 2010 alors qu'elle était déjà présente dans les pays d'Amérique centrale et du Sud et dans la plupart des pays de la Caraïbe. Cette maladie foliaire, due à un champignon pathogène microscopique, parasite spécifique des bananiers, est, d'après les recherches actuelles, sans incidence sur la santé humaine. Néanmoins, elle rend le bananier sec et noir, attaquant les feuilles du bas, réduisant les récoltes et provoquant un mûrissement accéléré. Sa propagation aurait pour conséquence la perte de plusieurs hectares pour les bananiers et donc pour l'économie. En comparaison, son évolution, plus rapide que celle de la cercosporiose jaune, dite maladie de Sigatoka, menace davantage les productions. Or une augmentation des doses de pesticides chimiques aurait un impact environnemental décuplé. La possibilité d'utiliser, en tant qu'ultima ratio, des produits phytosanitaires non homologués en vertu de l'article L. 253-2 du code rural et de la pêche maritime, interpelle dans une île ayant connu des atteintes écologiques graves avec l'affaire du chlordécone. On connaît en effet les méfaits de l'épandage aérien et la nécessité d'un traitement plus ciblé de la maladie. De nouvelles techniques au sol sont en perspective. Néanmoins, elles doivent non seulement être opérationnelles, mais aussi garantir un système de pulvérisation de plus en plus maîtrisé. Face au risque sanitaire, environnemental, économique et social potentiel, il lui demande de faire le point sur l'impact réel de cette maladie en Martinique et sur les moyens les plus écologiques de lutte envisagés.
Le ministère chargé de l'agriculture élabore et met en oeuvre la politique de la santé des végétaux et de la protection phytosanitaire. La cercosporiose noire du bananier, ou maladie des raies noires (MNR), est due à un champignon nuisible (Mycosphaerella fijiensis), pour toutes les productions de bananes (banane fruit pour l'exportation, banane légume, et banane figue dessert). Cette maladie provoque une nécrose du système foliaire du bananier et donc de sévères chutes de rendement quantitatif (de 5 % jusqu'à 100 %, en l'absence de traitements). La qualité des bananes est également impactée (mûrissement du fruit accéléré et forte diminution de la durée de « vie verte » du fruit), rendant impossible l'export, dans les conditions actuelles où il est réalisé. Ce champignon est réglementé : organisme de quarantaine et de lutte obligatoire dans les DOM. Dès la première détection en Martinique, en septembre 2010, des mesures d'urgence ont été prises (destruction de la parcelle contaminée, surveillance renforcée sur un périmètre de 20 km autour du foyer), mais très rapidement de nouvelles détections positives ont été mises en évidence, de façon très dispersée, sur l'île, ce qui a annulé toute possibilité de mener le plan d'éradication prévu. L'hypothèse retenue pour expliquer l'introduction massive de la cercosporiose noire à la Martinique est la dissémination naturelle, par des vents venus du Sud-Ouest, en août 2010, ayant transporté des spores d'autres îles déjà contaminées. En conséquence, seules des mesures de maîtrise peuvent être mises en place pour limiter les effets néfastes de la cercosporiose noire. Ces mesures sont des traitements mécaniques (effeuillage sévère des feuilles atteintes) et chimiques, déclenchées dans le cadre d'une lutte raisonnée à partir d'observations précises et continues, tout au long de l'année, d'évolution de la maladie, déjà mis en place pour la gestion de la cercosporiose jaune ou maladie de Sigatoka (MS), jusqu'à présent bien contrôlée. Une étude menée par le Cemagref, depuis 2008, à la demande de la DGAL et de la profession, a permis d'identifier, parmi de nombreuses possibilités, de nouvelles méthodes de traitement terrestres prometteuses, dont le développement opérationnel est à l'étude pour le court terme. Par ailleurs, cette étude a permis de limiter la dérive des traitements aériens, par l'utilisation de buses appropriées, et d'assurer une traçabilité parfaite des traitements effectués (GPS et ordinateurs embarqués dans les aéronefs). Ce système d'assistance bloque en outre automatiquement les épandages dans les zones d'interdiction de traitement (habitations et cours d'eau). D'autre part, dans le cadre du plan Banane durable, l'Institut technique tropical met au point des systèmes de culture limitant le recours aux produits phytopharmaceutiques. Enfin, le Centre international de recherche agronomique pour le développement (CIRAD) mène des recherches en termes de création variétale visant à sélectionner des variétés présentant des résistances génétiques à ce champignon. La DGAL a notamment contribué au financement de ces travaux dans le cadre des appels à projet du comité technique permanent pour la sélection des plantes cultivées. La création de variétés résistantes représente une solution très prometteuse de lutte alternative, compatible avec les objectifs du plan Ecophyto 2018.
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