M. André Wojciechowski attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le fait qu'il n'y pas actuellement, dans l'arsenal juridique français, de dispositions anti-délocalisation. Il lui demande si le Gouvernement compte évoluer sur ce point.
Comme dans de nombreux pays développés, les délocalisations suscitent en France de vives préoccupations au-delà même des seuls salariés et chefs d'entreprises industrielles. Nombreux sont ceux qui voient dans les délocalisations le signe d'un inéluctable déclin de l'industrie française et exclusivement la disparition de pans entiers de nos savoir-faire et d'emplois en grand nombre. Pourtant, de l'avis des experts qui ont cherché à en mesurer l'ampleur, ce phénomène pèse relativement peu dans la baisse du nombre d'emplois industriels. Le rapport adopté en avril 2011 par la mission commune d'information du Sénat sur la désindustrialisation des territoires souligne que les délocalisations demeurent un phénomène limité au plan national. Une récente étude de l'Institut national de la statistique et des études économiques chiffrait à 15 000 le nombre des emplois supprimés par an du fait des délocalisations. En effet, il convient de prendre la mesure de la transformation majeure de l'appareil de production dans les économies qui reposent de façon croissante sur des activités de services, dont nombre d'entre elles en direction des entreprises. Pour l'essentiel, la diminution de l'emploi industriel est due au mouvement d'externalisation de certaines activités et aux effets mécaniques des gains de productivité de l'industrie. La concurrence internationale représente un facteur, explicatif supplémentaire essentiel mais dont les entreprises françaises profitent également. Ceci étant, l'action du Gouvernement est résolument centrée sur l'emploi et la réindustrialisation. C'est l'objectif constant des réformes entreprises ces dernières années et des chantiers ouverts à l'initiative du Président de la République dont celui des états généraux de l'industrie, à partir desquels s'organise la politique industrielle française. L'ambition des mesures et actions mises en place est de renforcer la compétitivité des entreprises, de rendre plus attractif notre territoire afin d'y attirer des investissements de qualité et de conforter la place de l'industrie. La lutte contre les délocalisations constitue un volet de cette politique de compétitivité et de performance de nos entreprises afin d'y consolider et d'y développer l'emploi. Agir contre les délocalisations n'est cependant concevable que dans un cadre compatible avec nos engagements européens et internationaux de respect des règles de libre-échange et de libre-installation des entreprises. En premier lieu, il s'agit de valoriser les atouts des entreprises françaises et de les inciter, par une politique favorisant un environnement compétitif, à développer leur activité sur notre territoire tant pour la conquête du marché national que pour celle du large marché intérieur communautaire et des marchés plus lointains qui sont en expansion. Les efforts s'articulent globalement autour de trois axes : renforcer l'attractivité du territoire et créer un environnement favorable à la croissance des entreprises ; soutenir les projets structurants et à fort enjeu et préparer l'industrie de demain à travers l'ensemble des actions regroupées au sein du programme d'investissements d'avenir ; accompagner les mutations en responsabilisant les entreprises dans la gestion sociale et territoriale des conséquences des restructurations inévitables. Par ailleurs, la réforme ambitieuse du crédit impôt recherche est sans doute le marqueur le plus significatif de la préoccupation du Gouvernement d'inciter à la localisation, la concentration, voire la relocalisation, d'activités de recherche et de développement sur le territoire. En effet, cette mesure a donné un signal très fort aux entreprises innovantes et renforce notre capacité à développer de nouvelles activités porteuses pour les prochaines décennies. En outre, un dispositif ad hoc a été mis en place pour favoriser la réindustrialisation des territoires. Le Gouvernement a décidé de mobiliser 200 Meuros dans un nouveau fonds destiné à accompagner, autant que l'autorise. la réglementation européenne, des projets importants et créateurs d'emplois industriels contribuant à la réindustrialisation de nos territoires. Ce dispositif permet notamment d'accompagner des entreprises soucieuses de mieux maîtriser leurs relations d'affaires avec des producteurs aux coûts avantageux, mais distants et n'offrant pas toujours des garanties suffisantes en termes de qualité et d'homogénéité des produits ou composants fabriqués. D'ores et déjà, sept projets représentant plus de 120 Meuros d'investissements et près de 700 créations d'emplois ont fait l'objet d'une décision de soutien du ministre chargé de l'industrie à hauteur cumulée de 20 Meuros. Enfin, la France a fait le choix d'un cadre juridique protecteur de l'intérêt des salariés, de nature à tempérer la volatilité des investissements et imposant des contraintes équilibrées aux entreprises, en particulier en leur demandant de justifier économiquement des suppressions d'emplois et d'en réparer les conséquences, pour les salariés et s'agissant des plus grandes entreprises des bassins touchés par ces restructurations. Le droit du travail français apporte des garanties importantes, puisqu'un employeur ne peut procéder à un licenciement économique sans justification. Le juge assure un contrôle approfondi du motif économique, reconnu dès lors que l'entreprise cesse son activité, rencontre des difficultés économiques ou décide de se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité ou s'adapter à des mutations technologiques. Au total, il ne s'agit pas d'ériger des barrières aux échanges de biens et aux investissements : les entreprises étrangères doivent pouvoir choisir le territoire français pour s'implanter durablement et y créer de l'emploi, comme en témoigne la place remarquable de la France en matière d'investissements directs étrangers ; à l'inverse, les entreprises françaises doivent pouvoir choisir de manière avisée de localiser à l'extérieur du territoire certains de leurs centres de production dans le cadre d'un courant d'échanges économiques profitant aux exportations, essentielles à l'emploi puisqu'environ un emploi sur quatre dépend de la capacité de nos entreprises à vendre leur production à des clients étrangers.
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