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François Vannson
Question N° 105298 au Ministère des Transports


Question soumise le 12 avril 2011

M. François Vannson attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports, sur la question des normes de sécurité des matériels ferroviaires autorisés à circuler dans le tunnel sous la Manche. En effet, à la demande des gouvernements britannique et français, l'ERA (agence ferroviaire européenne) vient de publier un rapport qui n'exclut aucune solution technique pour circuler dans le tunnel sous la Manche mais recommande des enquêtes démontrant que tout autre système est au moins équivalent au système actuel. Or aujourd'hui, la pression commerciale pour permettre à de nombreux opérateurs de circuler dans le tunnel fait que l'on tende à sacrifier à des intérêts économiques de court terme, des questions de sécurité de long terme. Les normes de sécurité du tunnel sous la Manche ont été établies il y a vingt-cinq ans. Il apparaît donc normal, comme le fait la commission intergouvernementale (CIG), d'engager des démarches visant à mettre à jour et à clarifier les conditions de sécurité. En revanche, une diminution du niveau de sécurité pour des raisons commerciales doit totalement être écartée. Or il semblerait que soit privilégiée une approche qui tendrait à segmenter les questions de sécurité. Des tests de sécurité ont été conduits en octobre 2010 avec des étudiants figurants non représentatifs des passagers habituels (personnes âgées, enfants, personnes handicapées, bagages...) et trois fois moins nombreux que pour un train complet. Ces tests peuvent difficilement être considérés comme significatifs ; de plus tout test doit être corrigé par la prise compte du comportement des passagers (sinon du personnel) en cas d'incident ou accident réel (panique, claustrophobie...). De même le matériel roulant a été conçu pour être roulant au feu trente minutes et non résistant comme certains voudraient le faire évoluer aujourd'hui pour faciliter une approche commerciale. Les récents évènements au Japon nous rappellent que les crises majeures engagent la responsabilité des États. Aucun gouvernement (et notamment la France après l'incendie du tunnel du Mont blanc et la Grande-Bretagne après les graves accidents ferroviaires consécutifs à la réorganisation du système) ne peut tolérer une éventuelle imprécision et indécision sur les questions de sécurité des voyageurs. Au moment où la France va prendre la présidence de la CIG et dans l'ambiance actuelle de défiance vis-à-vis des systèmes de sécurité complexes, il est important de tenir compte du retour d'expérience fourni par le système intrastructure-matériel roulant. En effet, les procédures en vigueur depuis l'ouverture du tunnel au trafic voyageurs le 14 novembre 1994, il y a plus de seize ans ont permis de faire face aux exigences de sécurité (les seuls accidents, trois incendies majeurs dont un particulièrement grave pour les personnes, même si l'issue finale a été heureuse, ont concernées les navettes poids lourds, qui précisément sont dérogatoires par rapport au concept global de sécurité du tunnel). L'évolution des normes doit donc en tenir compte et assurer un niveau de sécurité au moins équivalent globalement. Cette évolution doit porter sur l'ensemble du système (infrastructures, matériel roulant et procédures) et être validée tant par des scénarii que par des expériences réalistes. L'approche retenue pour des tunnels de grande longueur comme le Gotthard, Loetschberg, Guadarrama, Koralm devrait pouvoir constituer une référence. Enfin, la modification du contrat de concession du tunnel sous la manche appelle un vote du Parlement comme cela a toujours été le cas. En effet, l'article A-I-55 (ii) du contrat de concession dispose que « sauf règles contraires dans le règlement d'exploitation, tous les trains empruntant la liaison fixe seront équipés de deux locomotives situées l'une en tête et l'autre en queue de train, permettant le sectionnement éventuel et l'inversion du sens de marche ». L'introduction d'un nouveau type de motorisation nécessiterait donc de procéder à une modification de la concession et donc à une approbation par le Parlement. C'est pourquoi, face à l'ensemble de ces éléments, il souhaiterait connaître sa position sur le sujet et s'assurer, d'une part, que toute modification des normes du tunnel fera l'objet d'une étude globale systémique en n'excluant aucune éventualité et, d'autre part, que le Parlement sera effectivement amené à se prononcer sur la question.

Réponse émise le 7 juin 2011

La sécurité ferroviaire est une priorité du Gouvernement et le maintien du niveau élevé existant constitue une obligation juridique figurant à l'article 4 de la directive 2004/49/CE dite « directive sécurité ». L'opinion technique publiée le 21 mars par l'Agence ferroviaire européenne, relative aux règles de sécurité du tunnel sous la Manche, a permis de clarifier la situation concernant l'introduction éventuelle d'une technologie, la motorisation répartie, non prévue lors de la conception. Elle a rappelé l'obligation de conserver le niveau de sécurité très élevé de cet ouvrage exceptionnel, quelle que soit la solution technique retenue. Dans ce cadre, les premiers essais d'évacuation conduits en octobre 2010 avec un nombre limité de passagers ne peuvent être concluants à eux seuls pour valider la technologie de la motorisation répartie. Pour résoudre cette difficulté, le protocole d'études en cours de définition s'appuiera notamment sur des simulations informatiques, permettant de tester des hypothèses de crises qui ne peuvent pas faire l'objet d'essais réels. Si le Gouvernement n'exclut aucun scénario d'accident, il faut cependant préciser que la commission intergouvernementale n'envisage pas d'autoriser la circulation sous la Manche de trains de passagers qui ne seraient pas en mesure de continuer à rouler pendant trente minutes pour sortir du tunnel en cas d'incendie. Les experts français proposeront d'ailleurs d'inscrire cette obligation dans la spécification technique d'interopérabilité sur la sécurité des tunnels ferroviaires, en cours de révision, au titre des « cas spécifiques » prévus par l'article 7.5 de cette spécification, dans l'esprit du principe général de dérogation pour les tunnels de plus de 20 kilomètres déjà inscrite à l'article 1.1.2., alinéa 2. Il faut également préciser que, si la sécurité ferroviaire n'est pas qu'une question de matériel roulant mais doit être considérée comme un système, les navettes de poids lourds ne sont pas dérogatoires par rapport à ce principe et sont intégrées dans le niveau de sécurité général requis, bien entendu en tenant compte de leurs spécificités (il est plus rapide d'évacuer les quelques dizaines de chauffeurs routiers embarqués dans une navette que plusieurs centaines de passagers dont d'éventuelles personnes à mobilité réduite). Enfin, toute modification du contrat de concession entre les États et les filiales d'Eurotunnel ne pourrait être mise en oeuvre qu'après ratification par les deux parlements nationaux. En revanche, les modifications du règlement d'exploitation d'Eurotunnel relèvent de la procédure prévue à l'article 13.2 de ce contrat. Le Gouvernement continuera à prendre toutes les initiatives nécessaires, au niveau français, bilatéral ou européen, pour garantir le maintien du niveau très élevé de sécurité existant, sans sacrifier à aucun moment cette sécurité à des enjeux purement commerciaux. Tel est le sens du dialogue actuellement en cours avec le Gouvernement du Royaume-Uni.

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