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Monique Boulestin
Question N° 104979 au Ministère de la Justice


Question soumise le 12 avril 2011

Mme Monique Boulestin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la nécessaire réorganisation de notre système judiciaire. En effet, le récent malaise du corps judiciaire face aux réformes menées depuis 2002 et qui menacent l'indépendance de la justice, nous conduit à nous interroger sur une refonte globale de l'institution judiciaire dans l'ordre constitutionnel de notre pays. Il devient urgent de rétablir un "vrai troisième pouvoir de notre démocratie", et de faire de la justice un vrai pouvoir indépendant, à travers, notamment, une série de réformes majeures garantissant cette indépendance par des moyens constants. Elle lui demande si une telle réforme est à l'ordre du jour afin que soit garantie la pleine responsabilité des magistrats sous le triptyque : transparence, prévention, sanction.

Réponse émise le 26 juillet 2011

Le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire est posé par l'article 64 de la Constitution. Il s'applique à l'ensemble du corps judiciaire. Le Conseil constitutionnel a ainsi indiqué, dans plusieurs décisions, que « l'autorité judiciaire qui, en vertu de l'article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet ». Ce principe se traduit notamment par l'inamovibilité des magistrats du siège, prévue par l'article 64 de la Constitution et rappelée par l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature. Les magistrats du parquet ne bénéficient pas du principe d'inamovibilité ; l'article 5 de l'ordonnance statutaire prévoit en effet que les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. À l'audience cependant, leur parole est libre. L'indépendance de l'autorité judiciaire est garantie par l'intervention d'un Conseil supérieur de la magistrature, tant en matière de nomination qu'en matière disciplinaire. Elle a été renforcée par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, qui a modifié l'article 65 de la Constitution afin de prévoir que le Conseil supérieur de la magistrature donne un avis sur tous les projets de nomination des magistrats du parquet, y compris ceux qui concernent les procureurs généraux. Le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, veille au respect de ce principe constitutionnel et s'attache à préserver les magistrats de toutes pressions et tentatives de déstabilisation, quelles qu'en soient la nature et l'origine, qui seraient susceptibles de nuire au bon fonctionnement de l'institution judiciaire. L'indépendance dont bénéficient les magistrats a pour contrepartie une large responsabilité. Sur le plan civil, l'article 11-1 de l'ordonnance statutaire prévoit que les magistrats ne sont responsables civilement que de leurs fautes personnelles, qu'elles soient ou non en lien avec le service, et que la responsabilité civile des magistrats qui ont commis une faute personnelle se rattachant au service public de la justice ne peut être engagée que sur l'action récursoire de l'État, exercée devant une chambre civile de la Cour de cassation. Sur le plan pénal, les magistrats, comme n'importe quel citoyen, sont soumis, dans le cadre de leur vie privée, aux lois pénales et aux juridictions de droit commun. S'agissant des actes commis dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, les magistrats peuvent être poursuivis sur le fondement d'incriminations spécifiques et ils ne bénéficient plus de privilège de juridiction depuis la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale. Sur le plan disciplinaire, les magistrats peuvent être poursuivis sur le fondement des articles 43 à 66 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, en cas de manquements « aux devoirs de leur état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité », ou en cas d'atteintes au devoir de réserve. Le pouvoir disciplinaire est exercé par le conseil supérieur de la magistrature à l'égard des magistrats du siège et par le garde des sceaux, après avis du Conseil, à l'égard des magistrats du parquet. Le Conseil supérieur de la magistrature est saisi par le garde des sceaux ou par les chefs de cour. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l'article 65 de la Constitution afin de permettre aux justiciables de saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature, dont les conditions d'application ont été déterminées par la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution. Les comportements sanctionnés, extrêmement variés, concernent tant les insuffisances professionnelles - carences ou retards dans le traitement des tâches, manque de rigueur, manque de délicatesse dans les relations avec les justiciables, les collègues, le personnel du greffe - que les manquements relevant de la sphère privée, lorsqu'ils sont de nature à porter atteinte à l'image de l'institution judiciaire, à son autorité ou au respect qu'elle doit inspirer au justiciable : il en est ainsi des actes pénalement répréhensibles, des conduites addictives, des manquements à la probité ou aux bonnes moeurs. Les sanctions susceptibles d'être prononcées, au nombre de neuf, s'échelonnent du blâme à la révocation.

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