M. Philippe Goujon appelle l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur la réforme de la fiscalité du patrimoine dont le Parlement devrait débattre, aux termes d'une consultation nationale, avant la fin de l'année 2011. À ce titre, il lui demande de lui indiquer le coût des délocalisations d'entreprises entraînant notamment des pertes d'impôt sur les sociétés, ainsi que le coût des pertes d'emplois et des pertes induites (salaires payés à l'étranger, cotisations sociales non versées en France).
D'après un rapport du Conseil d'analyse économique (n° 89, avril 2010 - Investissement direct étranger et performances des entreprises), les investissements directs français à l'étranger au sein desquels on peut distinguer les investissements horizontaux (visant à répondre à une demande locale) et les investissements verticaux (délocalisations) -, ont un impact positif sur l'activité de l'entreprise en France, en particulier dans le cas de marchés développés et/ou lointains. Cet impact est cependant moins clair dans le cas des pays à bas coûts, surtout pour ceux qui sont proches du territoire français. La mesure de l'effet des délocalisations s'est jusqu'ici focalisée sur l'impact en termes d'emplois détruits mais il n'existe aucune mesure du coût des délocalisations en termes de fiscalité. L'Institut national de la statistique et des études économiques (IRISEE) propose une mesure du nombre d'emplois concernés par le phénomène de délocalisation d'activités industrielles en France, basée sur des données individuelles de firmes et de groupes portant sur la période 1995-2003 (Aubert et Sillard (2005) « Dossiers - Délocalisations et réductions d'effectifs dans l'industrie française » L'économie française : Comptes et dossiers, édition 2005-2006, INSEE références, pp. 57-89). Les contraintes sur les données ne permettent pas d'avoir une estimation plus récente du nombre d'emplois industriels perdus suite aux délocalisations. En effet, plusieurs sources de données nécessitent d'être croisées (données sur la production, l'emploi et les importations de biens intermédiaires) pour obtenir une estimation fiable. La délocalisation est définie dans ces travaux comme un phénomène de substitution entre la production à l'étranger et la production dans l'économie domestique. Elle est identifiée par une situation où une baisse de l'emploi dans une entreprise est observée simultanément à une hausse de ses importations dans le bien qu'elle produisait auparavant. Ce critère ne permet pas de distinguer l'abandon d'une activité en France (absence d'ouverture d'unité à l'étranger) et la localisation d'une nouvelle activité à l'étranger (absence de production préalable à l'apparition d'unité de production à l'étranger). Par ailleurs, cette définition ne permet pas de distinguer si la délocalisation s'accompagne d'un transfert direct de capitaux à l'étranger. Ces travaux montrent que le recours aux délocalisations s'est accéléré. En effet, entre 1995 et 1999, en moyenne par an, 12 952 emplois ont été supprimés en France et délocalisés à l'étranger. Sur la période plus récente (2000-2003), le nombre d'emplois délocalisés s'élève à environ 15 000 par an. La destination des délocalisations s'est également modifiée. En effet, sur la période 2000-2003, le recours à des délocalisations vers les pays à bas salaire s'est accru et ce au détriment des délocalisations vers les pays développés. La proportion d'emplois délocalisés vers les pays à bas salaire passe ainsi de 37 % des délocalisations sur la période 1995-1999 à 57 % sur la période 2000-2003. Plus particulièrement, les emplois délocalisés vers la Chine ont fortement progressé : ces derniers représentaient 30 % des emplois délocalisés vers les pays à bas salaire sur la période 1995-1999 contre 48 % sur la période 2000-2003. Cela correspond à 4 114 emplois délocalisés en moyenne par an vers la Chine contre 1 459 sur la période précédente. Tableau 1 Évaluation des emplois détruits par délocalisation dans le secteur industriel (hors énergie)
PÉRIODE | MOYENNE annuelle | DONT VERS les pays émergents | PROPORTION vers les pays émergents (en %) |
---|---|---|---|
1995-1999 | 12 952 | 4 858 | 37 |
2000-2003 | 14 975 | 8 550 | 57 |
Source : INSEE, L'Économie française, édition 2007. |
DÉLOCALISATION seulement | DÉLOCALISATION et autre implantation | AUTRE implantation seulement | |
---|---|---|---|
Industrie automobile | 13,5 | 3,1 | 4,2 |
Habillement, cuir | 12,6 | 4,1 | 4,9 |
Industrie textile | 10,9 | 4,0 | 0,7 |
Industrie des composants électriques et électroniques | 10,1 | 2,3 | 6,5 |
Industries des équipements du foyer | 7,7 | 1,7 | 4,8 |
Chimie, caoutchouc et plastique | 6,3 | 3,4 | 14,4 |
Industrie manufacturière | 3,8 | 1,5 | 5,0 |
Construction navale, aéronautique et ferroviaire | 3,5 | 3,9 | 3,7 |
Industries des équipements électriques et électroniques | 2,8 | 2,4 | 8,0 |
Industries des équipements mécaniques | 2,7 | 0,9 | 4,9 |
Industries des produits minéraux | 2,4 | 1,0 | 4,7 |
Métallurgie et transformation des métaux | 2,3 | 1,0 | 4,2 |
Industries du bois et du papier | 2,3 | 0,5 | 2,8 |
Pharmacie, parfurmerie, entretien | 1,8 | 0,6 | 20,3 |
Édition, imprimerie, reproduction | 1,0 | 0,2 | 4,5 |
Industries agricoles et alimentaires | 0,3 | 1,2 | 0,8 |
Source : « Les Implantations à l'étranger des entreprises industrielles françaises » (SESSI, mai 2008). |
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.