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Philippe Goujon
Question N° 104957 au Ministère du de l'État


Question soumise le 12 avril 2011

M. Philippe Goujon appelle l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur la réforme de la fiscalité du patrimoine dont le Parlement devrait débattre, aux termes d'une consultation nationale, avant la fin de l'année 2011. À ce titre, il lui demande de lui indiquer le coût des délocalisations d'entreprises entraînant notamment des pertes d'impôt sur les sociétés, ainsi que le coût des pertes d'emplois et des pertes induites (salaires payés à l'étranger, cotisations sociales non versées en France).

Réponse émise le 5 juillet 2011

D'après un rapport du Conseil d'analyse économique (n° 89, avril 2010 - Investissement direct étranger et performances des entreprises), les investissements directs français à l'étranger au sein desquels on peut distinguer les investissements horizontaux (visant à répondre à une demande locale) et les investissements verticaux (délocalisations) -, ont un impact positif sur l'activité de l'entreprise en France, en particulier dans le cas de marchés développés et/ou lointains. Cet impact est cependant moins clair dans le cas des pays à bas coûts, surtout pour ceux qui sont proches du territoire français. La mesure de l'effet des délocalisations s'est jusqu'ici focalisée sur l'impact en termes d'emplois détruits mais il n'existe aucune mesure du coût des délocalisations en termes de fiscalité. L'Institut national de la statistique et des études économiques (IRISEE) propose une mesure du nombre d'emplois concernés par le phénomène de délocalisation d'activités industrielles en France, basée sur des données individuelles de firmes et de groupes portant sur la période 1995-2003 (Aubert et Sillard (2005) « Dossiers - Délocalisations et réductions d'effectifs dans l'industrie française » L'économie française : Comptes et dossiers, édition 2005-2006, INSEE références, pp. 57-89). Les contraintes sur les données ne permettent pas d'avoir une estimation plus récente du nombre d'emplois industriels perdus suite aux délocalisations. En effet, plusieurs sources de données nécessitent d'être croisées (données sur la production, l'emploi et les importations de biens intermédiaires) pour obtenir une estimation fiable. La délocalisation est définie dans ces travaux comme un phénomène de substitution entre la production à l'étranger et la production dans l'économie domestique. Elle est identifiée par une situation où une baisse de l'emploi dans une entreprise est observée simultanément à une hausse de ses importations dans le bien qu'elle produisait auparavant. Ce critère ne permet pas de distinguer l'abandon d'une activité en France (absence d'ouverture d'unité à l'étranger) et la localisation d'une nouvelle activité à l'étranger (absence de production préalable à l'apparition d'unité de production à l'étranger). Par ailleurs, cette définition ne permet pas de distinguer si la délocalisation s'accompagne d'un transfert direct de capitaux à l'étranger. Ces travaux montrent que le recours aux délocalisations s'est accéléré. En effet, entre 1995 et 1999, en moyenne par an, 12 952 emplois ont été supprimés en France et délocalisés à l'étranger. Sur la période plus récente (2000-2003), le nombre d'emplois délocalisés s'élève à environ 15 000 par an. La destination des délocalisations s'est également modifiée. En effet, sur la période 2000-2003, le recours à des délocalisations vers les pays à bas salaire s'est accru et ce au détriment des délocalisations vers les pays développés. La proportion d'emplois délocalisés vers les pays à bas salaire passe ainsi de 37 % des délocalisations sur la période 1995-1999 à 57 % sur la période 2000-2003. Plus particulièrement, les emplois délocalisés vers la Chine ont fortement progressé : ces derniers représentaient 30 % des emplois délocalisés vers les pays à bas salaire sur la période 1995-1999 contre 48 % sur la période 2000-2003. Cela correspond à 4 114 emplois délocalisés en moyenne par an vers la Chine contre 1 459 sur la période précédente. Tableau 1 Évaluation des emplois détruits par délocalisation dans le secteur industriel (hors énergie)



PÉRIODE


MOYENNE
annuelle

DONT VERS
les pays
émergents

PROPORTION
vers les pays
émergents
(en %)
1995-1999 12 952 4 858 37
2000-2003 14 975 8 550 57
Source : INSEE, L'Économie française, édition 2007.
L'ampleur du phénomène de délocalisation peut être mise en perspective en rapportant ces destructions annuelles d'emplois à l'ensemble des destructions d'emplois. Les destructions d'emplois brutes annuelles dans l'industrie (non corrigées des variations conjoncturelles de l'activité) étant de l'ordre de 500 000, les délocalisations représenteraient environ 3 % des pertes totales d'emplois dans l'industrie sur la période 1995-2003. Les dernières données disponibles concernant l'impact des délocalisations sur le tissu industriel sont fournies par le service des études et des statistiques industrielles (SESSI) qui analyse les déterminants et les caractéristiques des implantations des entreprises industrielles françaises à l'étranger (Pliquet et Riedinger 2008, « Les implantations à l'étranger des entreprises industrielles françaises. Entre délocalisations et conquête de nouveaux marchés », le quatre pages du SESSI, n° 246 ; étude réalisée sur données déclaratives). Dans l'étude du SESSI, deux types d'implantations à l'étranger sont distingués selon que ces dernières sont (ou non) accompagnées d'une réduction d'activité en France. Les recours aux deux types d'implantation semblent d'une ampleur assez proche : entre 2003 et fin 2005, 5 % des entreprises manufacturières (de dix salariés ou plus) ont eu recours à des délocalisations (et ont donc transféré une partie de leur activité à l'étranger) alors que 6 % des entreprises manufacturières ont implanté un nouveau site à l'étranger sans réduction d'activité en France. Les délocalisations concernent un peu plus de 5 % des entreprises du secteur manufacturier. Elles touchent fortement les entreprises des secteurs intensifs en main d'oeuvre peu qualifiée mais également des secteurs à forte valeur ajoutée. Ainsi, 17 % des entreprises du secteur de l'habillement et du cuir et 15 % des entreprises du secteur textile ont eu recours à des délocalisations sur la période 2003-2005. Les délocalisations dans le secteur de l'automobile sont du même ordre de grandeur, soit 17 % des entreprises de ce secteur. Lorsque les cas de délocalisations pures et d'implantations pures sont distinguées, sur les 16 secteurs considérés, il convient de noter que seul cinq secteurs présentent une proportion d'entreprises qui délocalisent supérieure à la proportion d'entreprises qui s'implantent à l'étranger (sans réduction d'activité) : l'industrie automobile, l'industrie textile, l'industrie du cuir et de l'habillement, l'industrie des composants électriques et l'industrie des équipements du foyer. Les principaux secteurs qui délocalisent présentent également une proportion significative d'entreprises qui recourent simultanément à la délocalisation et à l'implantation d'activités à l'étranger sans réduction d'activités. Cela illustre le fait que ces deux logiques d'investissements à l'étranger peuvent être complémentaires. Tableau 2 Délocalisations par secteur d'activité en proportion des entreprises concernées (En pourcentage d'entreprises concernées.)

DÉLOCALISATION
seulement

DÉLOCALISATION
et autre
implantation

AUTRE
implantation
seulement
Industrie automobile 13,5 3,1 4,2
Habillement, cuir 12,6 4,1 4,9
Industrie textile 10,9 4,0 0,7
Industrie des composants électriques et électroniques 10,1 2,3 6,5
Industries des équipements du foyer 7,7 1,7 4,8
Chimie, caoutchouc et plastique 6,3 3,4 14,4
Industrie manufacturière 3,8 1,5 5,0
Construction navale, aéronautique et ferroviaire 3,5 3,9 3,7
Industries des équipements électriques et électroniques 2,8 2,4 8,0
Industries des équipements mécaniques 2,7 0,9 4,9
Industries des produits minéraux 2,4 1,0 4,7
Métallurgie et transformation des métaux 2,3 1,0 4,2
Industries du bois et du papier 2,3 0,5 2,8
Pharmacie, parfurmerie, entretien 1,8 0,6 20,3
Édition, imprimerie, reproduction 1,0 0,2 4,5
Industries agricoles et alimentaires 0,3 1,2 0,8
Source : « Les Implantations à l'étranger des entreprises industrielles françaises » (SESSI, mai 2008).
Ces résultats concernant l'ampleur des délocalisations par secteur industriel sur la période 2003-2005 peuvent également être complétés par les résultats de l'enquête du SESSI portant sur les déclarations de délocalisations réalisées sur la période 2002-2007 (Bardaji et Scherrer 2008, « Mondialisation et compétitivité des entreprises françaises. L'opinion des chefs d'entreprise de l'industrie », INSEE Première n° 1188). Selon cette enquête, 12 % des entreprises industrielles déclarent avoir déplacé des activités à l'étranger sur cette période (voir tableau ci-dessous). L'accélération des délocalisations semble devoir se poursuivre sur les années à venir puisque d'après l'enquête d'opinion de l'INSEE (2008), 16 % des entreprises interrogées prévoiraient de délocaliser certaines de leurs activités à l'étranger (contre 12 % sur la période 2002-2007). Tableau 3 Proportion d'entreprises déclarant avoir déplacé à l'étranger des activités de production auparavant réalisées en France (En pourcentage des entreprises du secteur.) Ensemble12,1 Industrie des biens intermédiaires12,3 Industrie des biens d'équipement18,4 Industrie automobile13,2 Industrie des biens de consommation12 Industrie agroalimentaire61,4 Source : INSEE Première n° 1188 (2008). Par ailleurs, le recours aux délocalisations apparaît d'autant plus important que la taille de l'entreprise est grande. D'après l'enquête du SESSI (2008) au sein du secteur manufacturé, 13,1 % des grandes entreprises (effectifs supérieurs à 2 000 salariés) délocalisent et près de 14,6 % ont à la fois recours aux délocalisations et à des implantations à l'étranger sans réduction d'activité. Le recours aux délocalisations strictes est légèrement moins élevé (13,1 %) pour les entreprises médianes (effectifs compris entre 250 et 2 000 salariés) et sensiblement plus faible (3,3 %) pour les PME (effectifs inférieurs à 250 salariés).

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