M. Patrick Lebreton interroge Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur la question de l'usage des pesticides lors des opérations de lutte pour l'éradication du moustique vecteur du chikungunya. Le scandale de l'usage massif d'un puissant pesticide dans la culture de la banane à la Martinique a révélé les insuffisances du dispositif d'évaluation des risques pour la santé publique liés à l'usage de ce type de produit, les carences des structures de contrôle, mais également le faible cas que les autorités semblent accorder d'une manière générale aux départements d'outre-mer. Au début de 2006 et afin de lutter contre la prolifération des moustiques vecteurs de la maladie du chikungunya à la Réunion, l'État a organisé la pulvérisation massive d'insecticides, à base notamment de fénitrotion. Le fénitrotion est une substance active nocive dont l'usage est précisément encadré. C'est ainsi que cette substance peut être utilisée dans des conditions très strictes, principalement pour le traitement local d'arbres fruitiers ou pour la désinfection de locaux fermés. Il convient d'observer qu'en aucun cas il n'est autorisé de pulvérisation massive d'une telle substance, or cela a été le cas à la Réunion. Au surplus, il faut observer que les autorisations de mise sur le marché délivrées pour des produits à base de fénitrotion révèlent toutes le caractère nocif de cette substance pour la santé humaine. C'est ainsi, par exemple, que les autorisations de mise sur le marché délivrées recommandent notamment de tenir ces produits hors de portée des enfants et soulignent leur caractère extrêmement irritant et nocif pour les voies respiratoires. Enfin, plus préoccupant est le retrait définitif par la commission d'étude de la toxicité des produits phytosanitaires, dans un avis rendu le 28 juin 2006, de l'autorisation de mise sur le marché des produits fenitrothion dusting powder et fenitrothion wettable powder commercialisés par la société Rentokil. Dès lors, la question qu'il pose à Mme la ministre est double et appelle au moins deux réponses concrètes : il souhaite qu'elle lui indique précisément quelles substances et quels produits ont été utilisés à la Réunion lors de la campagne d'éradication, et notamment s'il y a eu des produits à base de fénitrotion, dans quelles quantités et pendant combien de semaines. En outre, le contexte de l'époque n'ayant pu permettre une évaluation préalable des risques liés à l'épandage massif de pesticides et avant que des effets irréversibles ne puissent se produire, a-t-elle envisagé d'installer un comité d'étude chargé de mesurer l'impact de l'usage des pesticides sur la santé de la population de la Réunion.
Lors de l'épidémie de chikungunya qui a sévi sur l'île de la Réunion, la Direction générale de la santé (DGS) a saisi le comité de coordination de toxicovigilance (CCTV, composé des centres antipoison et de toxicovigilance - CAPTV - et des agences de sécurité sanitaire) afin d'analyser les effets sur la santé des substances utilisées pour la lutte antivectorielle (LAV) et de faire des recommandations pour la protection de la population (y compris des travailleurs) : saisines du 24 janvier 2006 sur les effets du fénitrothion et du 7 février 2006 sur ceux de la deltaméthrine, dont l'emploi était suggéré pour le traitement spatial par nébulisation à la place du fénitrothion. Le fénitrothion n'est pas l'un des insecticides organophosphorés les plus dangereux (il a été en effet recommandé par l'OMS, dans la lutte contre le paludisme également) ; l'exposition à cet insecticide peut cependant entraîner des manifestations cliniques de faible intensité (céphalées, vertiges, asthénie, voire troubles digestifs). Il a par ailleurs une faible rémanence, contrairement aux pesticides organochlorés (auxquels appartient le chlordécone, à usage agricole). Néanmoins, la toxicité du fénitrothion pour l'homme est plus élevée que celle des pyréthrinoïdes de synthèse, dont la deltaméthrine (pouvant néanmoins être responsable par contact de sensations de brûlures, de prurit voire de paresthésie locale). Parmi les substances utilisées pour la LAV, on distingue les substances visant l'élimination des larves du moustique (lutte larvicide) des substances utilisées pour la lutte adulticide. Concernant des traitements adulticides, le fénitrothion, utilisé autour des habitations de cas signalés jusqu'en février 2006, a été remplacé par la deltaméthrine suite à la recommandation du CCTV et lors de la mise en place du protocole de traitement systématique. S'agissant de la lutte larvicide, un autre insecticide organophosphoré, le téméphos, a été utilisé jusqu'en février 2006. Ensuite, l'application d'un larvicide biologique à base de Bacillus thuringiensis israelensis s'est généralisée. En parallèle, la DGS a demandé que soit mis en place un dispositif de toxicovigilance à la Réunion afin de recenser et décrire les cas d'intoxication en lien avec une exposition à des insecticides utilisés. Le système est opérationnel depuis le mois de février 2006, pour le recueil des cas groupés dans les écoles par la médecine scolaire et dans les établissements communautaires par la DRASS, et depuis la fin mai 2006, pour le recueil des cas individuels auprès du centre 15 et des médecins généralistes. Pour animer ce réseau, une cellule de toxicovigilance a été créée à la Cellule interrégionale d'épidémiologie Réunion-Mayotte. Dans un cadre plus général, le CCTV a mis en place un réseau Phytoveille de surveillance des intoxications par les produits phytopharmaceutiques, qui s'appuie sur le réseau des CAPTV et sur le réseau de toxicovigilance agricole de la Mutualité sociale agricole (MSA) dénommé Phyt'attitude (créé depuis 1997). La MSA avait mis en place depuis 2004 un numéro d'appel gratuit, à la disposition des utilisateurs professionnels de produits phytosanitaires, permettant de recueillir les signalements d'intoxications des victimes (0 800 887 887). Depuis février 2006 et dans le cadre du Plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides, ce numéro vert est joignable depuis les Antilles et le réseau Phyt'attitude y a été étendu. Les activités de toxicovigilance sur l'île de la Réunion se développent ainsi en concertation avec le CCTV. Le centre antipoison de Marseille, dont dépend l'île de la Réunion, est partie prenante du développement de ces activités.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.