M. Henri Jibrayel expose à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé, que le Gouvernement a décidé de délibérer en procédure accélérée à partir du 15 mars sur un projet de loi « relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques ». Il y a déjà quatre ans les représentants des familles et des usagers s'étaient mobilisés contre la confusion introduite par le projet de loi sur la prévention de la délinquance qui faisait un amalgame entre délinquance et troubles mentaux se manifestant dans l'espace public, avec la mise en place d'un fichier des personnes internées comparable aux fichiers des personnes délinquantes. Il faut rappeler qu'à l'époque, même le conseil national de l'ordre des médecins avait déclaré que ce projet de loi constituait « une violation grave des droits à une vie privée et à l'intimité des patients ». Force est de constater que cette volonté d'assimiler troubles psychiques et dangerosité sociale est de nouveau d'actualité au mépris de toutes les avancées de ces dernières années en termes de lutte contre la stigmatisation et de droits des patients, avec la loi de mars 2002 et celle du 11 février 2005 qui a reconnu que les personnes présentant des troubles psychiques avaient également le droit de bénéficier des compensations que notre société reconnaît aux personnes en situation de handicap. Dans le texte il est question de manière récurrente de la sûreté des personnes et de l'atteinte à l'ordre public comme si la maladie mentale induisait inéluctablement ce type de problématique alors qu'à aucun moment il n'y est question de la souffrance psychique des personnes concernées et de leur famille. Les mesures de sûreté imposées déjà aux établissements de soins, en application de la circulaire de janvier 2009 publiée en urgence après les injonctions du président de la République à Antony, le 2 décembre 2008, ont contribué à réduire la qualité de l'accueil de ces établissement. C'est l'ensemble des patients, dont la grande majorité est hospitalisée de son propre chef qui doit subir la présence de grillages et de caméras vidéo qui induisent une ambiance de surveillance au dépens d'une attention soignante Mais ce projet de loi ne se cantonne pas aux procédures de privation de liberté à laquelle la société a parfois besoin de recourir dans l'intérêt des personnes concernées ou de leur entourage social. En effet, il propose un changement de paradigme dont le Gouvernement n'a pas pris la mesure en substituant la contrainte liée au fait d'être hospitalisé contre son gré au fait que ce sont dorénavant les soins eux-mêmes qui se feront sous contrainte, en prévoyant que cette contrainte puisse s'exercer jusqu'au domicile personnel du patient. Ce projet de loi précise, dans le cas où l'hospitalisation complète n'apparaît pas nécessaire et que le choix d'un traitement ambulatoire sous contrainte est décidé, que ce soit le directeur de l'établissement qui aura reçu initialement ce patient qui ait la charge d'établir le document fixant la date des visites médicales obligatoires ; si ce calendrier n'est pas respecté et qu'il s'avère impossible d'examiner le patient, il appartiendra au psychiatre d'alerter la direction de l'établissement qui saisira elle-même les autorités. On voit ainsi que ces modalités sont en contradiction avec l'éthique du soin qui impose la recherche d'une confiance, le respect de l'intimité du patient et des garanties de liberté de prescription des actes thérapeutiques choisies par le psychiatre et son équipe en accord avec le patient lui-même et le cas échéant sa famille, mais qu'elles relèvent plus d'une logique de contrôle social et de sûreté publique. De même, on ne peut se satisfaire de la création d'un nouveau fichier de patients considérés a priori comme dangereux, parce qu'à un moment de leur parcours de soins il aura fallu recourir à une unité pour malades difficiles, fichier qui constituera un véritable casier judiciaire psychiatrique. Il faut noter que la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre dernier, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité, a déjà nécessité de modifier ce projet de loi. Il ne s'est agi, en fait, que d'un ajustement de détail sans qu'une véritable réflexion n'ait été engagée sur la manière d'assurer le recours aux soins, y compris lorsque celui-ci demande une limitation temporaire de liberté. Une réflexion semble nécessaire sur la place du juge judiciaire, éventuellement susceptible de se substituer au représentant de l'État ou au préfet de police, comme cela est le cas dans la majorité des pays européens. Quoi qu'il en soit, en l'absence d'un véritable travail de concertation qui n'a pas eu lieu (ou de pure forme), de nombreux recours tant au niveau du conseil constitutionnel que devant les instances européennes sont a prévoir. Pour ces différentes raisons, il lui demande si le Gouvernement entend modifier son projet de loi.
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