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Dominique Souchet
Question N° 103480 au Ministère de la Justice


Question soumise le 29 mars 2011

M. Dominique Souchet attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la façon particulièrement sélective et discriminante dont est appréciée la liberté d'expression en France. Cette liberté fondamentale réside dans la possibilité d'exprimer librement ses opinions sans être inquiété par autrui. Elle est notamment consacrée par l'article 11 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, à valeur constitutionnelle, selon lequel « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi ». Récemment, pourtant, un journaliste était condamné par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir « dépassé les limites autorisées du droit à la liberté d'expression ». Si la liberté d'expression est ainsi interprétée de manière particulièrement discriminante, en revanche l'injure et l'outrage qui correspondent à cet abus de la liberté d'expression auquel se réfère la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, ne font l'objet d'aucune condamnation lorsqu'ils émanent de groupes de musique qui véhiculent des messages de haine particulièrement violents à l'égard de la France, de nos concitoyens et des forces de l'ordre. Certains de leurs propos sont clairement répréhensibles en ce qu'ils constituent une incitation à la haine raciale, telle que définie à l'article R. 625-7 du code pénal, et vont jusqu'à l'appel au meurtre envers les forces de l'ordre (cf. « j'aime voir des CRS morts », pour ne citer qu'un des extraits les plus anodins...). Tandis que les journalistes et les élus sont de plus en plus visés du fait de la judiciarisation du débat public, le fait de laisser de tels groupes proférer en toute impunité des propos aussi insultants s'apparente à une appréciation sélective de la liberté d'expression. Cette restriction d'un côté, ce laxisme de l'autre ne peuvent que donner le sentiment qu'il existe dans notre pays deux poids et deux mesures dans la façon dont les instances judiciaires apprécient la liberté d'expression. En conséquence, il lui demande de faire appliquer la loi de façon stricte et non sélective, le respect dû à la liberté de création artistique ne pouvant être invoqué pour justifier des appels explicites à la haine et au meurtre.

Réponse émise le 21 juin 2011

La liberté d'expression est une liberté fondamentale reconnue par l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950, ou encore dernièrement l'article 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette liberté est toutefois relative, puisqu'elle peut être sanctionnée dans ses abus. Les limites posées par le législateur doivent être proportionnées et nécessaires dans une société démocratique. En droit français, la liberté d'expression se trouve notamment limitée par les textes du code pénal et la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. La répression peut ainsi s'appliquer à tout propos raciste, diffamatoire, injurieux, discriminatoire, provoquant à des crimes et délits, ou encore contestant l'existence des crimes contre l'humanité. Il revient aux magistrats de procéder à une analyse du cas d'espèce et de prendre en compte le contexte dans lequel sont tenus les propos. On ne peut donc affirmer que l'application de ces textes serait variable suivant leur auteur. De même que les auteurs de chansons de rap dont les propos excèdent les limites de la liberté d'expression sont poursuivis devant le tribunal correctionnel, comme récemment à Pontoise et Paris, les journalistes sont aussi parfois poursuivis lorsque leur propos excèdent les limites fixées par la loi. Leur statut est toutefois pris en considération, puisque les tribunaux font une interprétation restrictive des textes répressifs lorsque sont abordés des faits d'actualité ou quand sont concernés des hommes politiques, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

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