Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

François Loncle
Question N° 103304 au Ministère de l'Industrie


Question soumise le 22 mars 2011

M. François Loncle attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur les révolutions dans les pays arabes, qui ont notamment démontré qu'Internet est un extraordinaire moyen de communication et un immense espace de liberté. Certes, Internet peut être la meilleure des choses, mais peut être aussi la pire, à l'image de la langue d'Ésope qui, selon Jean de La Fontaine, est tout à la fois « lien de la vie civile, clef des sciences, organe de la vérité et de la raison » et « mère de toutes les disputes, source des divisions et des guerres, organe de l'erreur et de la calomnie ». L'internaute ne cesse d'être confronté à cette dualité. En dehors de la cybercriminalité et des sites pédophiles, un autre phénomène suscite une vive inquiétude. Il s'agit de l'ampleur prise par la diffusion de propos ignominieux sur la toile, ce que facilite au demeurant le développement des réseaux sociaux où ce genre de déclarations est plus difficile à repérer : au cours de l'année dernière, la police a enregistré une progression de moitié des contenus illicites, le nombre passant de 50 000 à plus de 75 000. Il s'agit le plus souvent de sites, de blogs, de forums qui font l'apologie de l'idéologie nazie ou qui propagent des thèmes xénophobes, racistes et antisémites, à l'instar de cet infâme concours organisé au mois de décembre dernier et destiné à désigner « le cosmopolite le plus odieux du monde ». C'est pourquoi il demande au ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique de lui indiquer les moyens juridiques et techniques dont disposent les autorités françaises pour lutter contre ces sites racistes, xénophobes et antisémites. Il souhaite en particulier savoir si les filtres automatiques permettant d'identifier et de localiser des sites contrevenant aux lois constituent un dispositif adéquat et efficace. Il voudrait également que le ministre le renseigne sur les éventuels programmes de sensibilisation à destination du public, notamment des jeunes internautes, sur la manière dont sont responsabilisés les hébergeurs de tels sites et enfin sur la coopération cybernétique internationale, dans la mesure où les auteurs de ces écrits racistes, xénophobes et antisémites résident souvent à l'étranger.

Réponse émise le 26 juillet 2011

La répression des propos racistes ou antisémites sur Internet est assurée par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse qui, en vertu de l'article 23, est applicable notamment aux propos tenus par tout moyen de communication au public par voie électronique. Ces propos peuvent ainsi être réprimés en tant que provocation publique à la haine, à la violence ou à la discrimination (art. 24, alinéa 8), diffamation publique (art. 29 alinéa 1 et art. 32, alinéa 2), injure publique (art. 29, alinéa 2 et art. 33, alinéa 3) à raison de l'origine ou de la religion, ou encore en tant que contestation de crimes contre l'humanité (art. 24 bis). En vue de lutter contre ces dérives, une plate-forme de signalement des sites à contenus illicites a été mise en place en 2008 au sein de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) de la police judiciaire. Cette plate-forme est composée de manière paritaire de policiers et de gendarmes. Elle est accessible au public via un portail qui autorise les internautes, les fournisseurs d'accès et services de veille étatiques à signaler en ligne les sites ou contenus potentiellement contraires aux lois et règlements diffusés sur Internet. Par ailleurs, s'agissant de la responsabilité pénale des hébergeurs, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique prévoit spécifiquement en son article 6-I-7 que les prestataires techniques ont une obligation spéciale de concourir à la lutte contre la diffusion d'infractions relatives à la pornographie enfantine, à l'apologie des crimes de guerre et crimes contre l'humanité et à l'incitation à la haine raciale. À cette fin, ils doivent d'une part mettre en place un dispositif permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données et d'autre part, informer promptement les autorités publiques compétentes de toute activité illicite portée à leur connaissance. Leur responsabilité pénale peut être engagée sur la base notamment de la complicité, s'ils n'agissent pas rapidement pour rendre l'accès à un contenu illicite impossible ou le retirer dès lors qu'ils ont effectivement eu connaissance par tout moyen, du caractère illicite d'une activité ou d'une information dont ils assurent le stockage. S'agissant des procédures judiciaires permettant de mettre fin à l'infraction, il peut être rappelé que le juge des référés peut être saisi, en application de l'article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881, pour que soit ordonné l'arrêt du service de communication au public en ligne, dès lors qu'il contient des messages appelant à la commission de crimes ou délits ou provoquant à la haine, à la violence ou à la discrimination et qu'il constitue un trouble à l'ordre public. En outre, l'article 6-18 de la loi du 21 juin 2004 dispose que l'autorité judiciaire peut prescrire sur référé ou sur requête toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne. Les faits rapportés par l'honorable parlementaire présentent souvent une dimension internationale en raison de la localisation de l'hébergeur. Celui-ci, installé à l'étranger, se voit appliquer la loi de son État d'origine, même si le contenu des sites hébergés est accessible en France. Toutefois, pour lutter contre les lenteurs liées aux mécanismes classiques d'entraide pénale internationale, la convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité a été signée à Budapest le 23 novembre 2001 et a été ratifiée à ce jour par 30 pays, parmi lesquels la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, et les États-Unis. Elle vise notamment à améliorer la coopération internationale en matière pénale. Les dispositions de la convention permettent à un État partie de solliciter en urgence d'un autre État partie le gel provisoire des données numériques stockées sur des serveurs. Cet outil s'avère notamment particulièrement utile eu égard aux échanges en matière pénale avec les États-Unis. En effet, la législation américaine n'impose pas aux opérateurs privés d'obligation de conservation de données minimale, à la différence de la France. Compte tenu du temps nécessaire et incompressible dû à la transmission et à l'exécution d'une demande d'entraide en matière pénale, les services d'enquête français peuvent ainsi, sur le fondement de la Convention du Conseil de l'Europe, ratifiée par les États-Unis, via les points de contact nationaux (l'OCLCTIC pour la France), solliciter des autorités américaines, dans l'attente de la réception d'une demande d'entraide judiciaire, qu'elles prennent des mesures conservatoires urgentes afin de s'assurer de la préservation de l'intégrité des données recherchées. Il n'en demeure pas moins que cette entraide ne vaut qu'autant que la demande ne heurte pas le droit interne de l'autre État, ce qui est parfois le cas en matière de propos sur Internet, en raison de la conception extensive qu'ont les États-Unis de la liberté d'expression.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion