M. Michel Ménard attire l'attention de M. le ministre de la défense et des anciens combattants sur la reconnaissance des maladies professionnelles pour les militaires et anciens militaires. Contrairement aux personnes relevant d'autres régimes de protection sociale, les militaires ne peuvent faire reconnaître leur maladie au titre de « maladie professionnelle », terme non reconnu par le code des pensions militaires d'invalidité. Pour qu'un militaire puisse prouver qu'une maladie est imputable au service, le code exige en effet qu'un lien de causalité direct, certain et déterminant soit établi entre la maladie contractée et son activité de militaire. Cette procédure, souvent longue et fastidieuse, aboutit, pour de nombreux cas, au refus de la reconnaissance et d'indemnisation d'une maladie contractée lors du service de l'intéressé. Dans la continuité d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales co-rédigé en 2006 avec le contrôle général des armées, la Fédération nationale des officiers mariniers en retraite et veuves (FNOM) a ainsi émis des recommandations visant à introduire la notion de maladies professionnelle qualificative des maladies « hors guerre », à instituer un tableau barème référençant les maladies professionnelles et à établir « un recours au faisceau de présomption ». Il lui demande quelles dispositions précises le Gouvernement entend prendre face à ces recommandations.
Le régime de la sécurité sociale relatif à l'indemnisation de l'invalidité, auquel sont affiliés les salariés du secteur privé, et celui du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), dont relèvent les militaires, sont deux régimes distincts, ayant chacun leur cohérence, qui ne sauraient, dans leur globalité, être déclarés plus favorables l'un que l'autre. Concernant la prise en compte des maladies professionnelles des militaires, le CPMIVG dispose que le droit à pension peut être ouvert, soit au titre de la preuve, soit par présomption d'imputabilité au service. Si le régime de la preuve impose effectivement au militaire d'établir l'imputabilité de l'affection à un fait de service, l'administration effectue également, dans la pratique, toutes les enquêtes nécessaires, considérant qu'il est de son devoir de prévenir les éventuelles difficultés engendrées par les démarches de reconnaissance des pathologies découlant des activités de service. À cet effet, l'attention des gestionnaires du personnel a toujours été appelée sur la nécessité d'établir, avec le plus grand soin et la plus grande objectivité possible, les circonstances de chaque accident ou maladie ayant causé l'infirmité donnant lieu à la demande de pension, mais aussi d'assister les militaires dans leurs démarches. Le CPMIVG prévoit également que le droit à pension peut être ouvert par présomption d'imputabilité de la pathologie au service. Cette présomption est applicable à tous les militaires en temps de guerre ou en opérations extérieures, ainsi qu'aux appelés ayant servi en temps de paix pendant la durée de leur service national, à condition que la blessure ait été officiellement constatée entre le premier et le dernier jour de service et la maladie entre le 90e jour de service et le 60e jour suivant le retour du militaire dans ses foyers. Dans ces circonstances, il appartient alors à l'administration de démontrer que l'infirmité subie est consécutive à une faute de l'intéressé et détachable du service. Si une telle preuve ne peut être apportée, alors la présomption d'imputabilité est infirmée. Au regard des dispositions qui précèdent, l'imputabilité au service des maladies d'apparition différée, telles que celles liées à l'exposition à l'amiante, ne peut donc être admise, pour les militaires, que par le régime de la preuve. Si ce régime est parfois considéré comme étant moins adapté à la reconnaissance des pathologies à caractère professionnel que celui de la sécurité sociale, il doit être rappelé que la démarche d'imputabilité par preuve peut être entamée par tout moyen et à tout moment. Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d'État admet que la preuve puisse résulter d'un « faisceau de présomptions », au cas par cas, en tenant compte de tous les éléments d'appréciation du dossier, scientifiques et juridiques, et en tenant compte des règles utilisées par les autres régimes comme éléments de comparaison. Le raisonnement médical de l'imputabilité repose alors sur l'analyse du poste de travail du militaire, sur les risques effectivement rencontrés et sur l'existence d'une pathologie pour laquelle les connaissances scientifiques actuelles admettent un lien avec les risques auxquels le militaire a été exposé. À cet égard, sans avoir de valeur impérative, les listes de maladies professionnelles du code de la sécurité sociale constituent une source d'informations importantes. Par ailleurs, le dispositif de suivi postprofessionnel pour les militaires exposés à des produits cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction, mis en place prochainement, est destiné à non seulement renforcer la prévention des maladies découlant de l'activité professionnelle, mais aussi faciliter, s'il en était besoin, la démonstration future de l'imputabilité d'éventuelles infirmités. De plus, l'imputabilité au service examinée par un médecin agréé indépendant de l'administration, ainsi que la possibilité de contester le constat provisoire par lequel est notifié le résultat de l'instruction administrative et médico-légale de la demande de pension d'invalidité devant la commission de réforme, donnent des garanties d'examen impartial et complet des requêtes. Les dispositions du CPMNG et leur mise en oeuvre se révèlent donc équilibrées et permettent d'examiner les demandes d'indemnisation pour des pathologies d'apparition différée, en tenant compte de tous les éléments d'appréciation figurant au dossier des requérants. Dans le cadre du dispositif de prise en compte des maladies professionnelles prévu par le régime de la sécurité sociale, il est rappelé que la survenue d'une pathologie ne permet pas d'ouvrir, à elle seule, le droit à indemnisation. Si est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans l'un des tableaux des maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale, cette présomption d'imputabilité est toutefois soumise à des conditions strictes et déterminantes : de délais, dits « délais de prise en charge », dans lesquels la maladie doit survenir pour être qualifiée de « professionnelle » ; d'activités professionnelles : le salarié doit avoir exercé une des activités professionnelles visées très précisément par le tableau et considérées comme susceptibles de provoquer la maladie ; d'exposition à des substances expressément énumérées et pendant une durée minimale déterminée. Si ces conditions ne sont pas remplies, il appartient alors au salarié du secteur privé de démontrer l'imputabilité directe de sa pathologie à l'activité qu'il a exercée. Les procédures pour y parvenir sont longues et contraignantes, étant précisé que la notion « d'éventualité de l'exposition » n'est aucunement prise en compte par le régime général. Le CPMIVG, pour sa part, n'impose aucune de ces exigences : il ne fixe pas de restriction quant au délai de survenance de la pathologie, à l'environnement professionnel du militaire au moment des faits, ou à ses conditions d'exposition au risque ; il ne détermine aucun périmètre aux pathologies qu'il est en mesure d'indemniser. Ce point constitue par ailleurs, l'un des principes fondamentaux du régime de l'imputabilité par preuve. Le CPMIVG n'est donc pas moins protecteur que le code de la sécurité sociale. Concernant les délais d'instruction des demandes d'indemnisation, tous les services du ministère de la défense et des anciens combattants sont en permanence mobilisés pour améliorer le traitement des dossiers. Le rapport sur le traitement des demandes de pension militaire d'invalidité, déposé par la mission d'audit de modernisation en juin 2006, a permis de cibler les mesures de réforme de l'administration au service du monde combattant, engagées lors de la révision générale des politiques publiques. Cette réforme, qui sera achevée fin 2011, vise à rationaliser les circuits d'instruction des demandes de prestations, de raccourcir les délais de traitement et de réaliser des économies de fonctionnement, tout en améliorant la qualité du service rendu à l'usager par l'informatisation et le traitement des dossiers par des pôles spécialisés. Parmi les recommandations du rapport, la proposition selon laquelle l'imputabilité au service pourrait être reconnue d'office au-delà d'un certain délai d'instruction de la demande d'indemnisation n'a pas été retenue par le ministère de la défense et des anciens combattants, qui privilégie davantage la mise en oeuvre de mesures permettant de maîtriser les délais de traitement des dossiers. Parmi ces mesures figurent notamment la mise en place effective d'un outil de traitement informatique des dossiers, la suppression de la consultation systématique de la commission consultative médicale, l'allègement des pièces à fournir et l'optimisation des procédures. Enfin, il est précisé que la mission d'audit de modernisation n'a pas prescrit de modification des conditions de prise en compte des maladies professionnelles (telles que l'introduction de la notion de maladies professionnelles qualitative, des maladies « hors guerre », la suppression de l'invalidité par preuve au profit d'un recours au faisceau de présomptions, ou la réforme des barèmes). En revanche, elle a suggéré d'engager une réflexion sur l'opportunité d'un rapprochement à terme des dispositions du CPMNG avec les règles applicables aux fonctionnaires et aux salariés du régime général. Toutefois, eu égard aux besoins spécifiques de chacune de ces populations, ce rapprochement ne pourrait être que global : les associations du monde combattant restent très attachées à la spécificité du régime d'indemnisation du CPMIVG, et les mesures de « rapprochement » proposées risquent fort, si celles-ci étaient appliquées, de n'être pour les militaires ni favorables ni, pour le moins, neutres.
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