M. André Wojciechowski attire l'attention de M. le ministre de la défense et des anciens combattants sur le bouleversement permanent de la France en matière de défense et par là-même, la faiblesse de l'outil militaire de l'Union européenne dans un monde qui se désarme alors que l'on n'a jamais tant été en insécurité au niveau mondial (la Bundeswehr est en pleine mutation, l'Italie a réduit ses crédits militaires de 10 %, 40 000 personnes de moins au Royaume-uni et plus de 50 000 en France). Il lui demande si l'Europe de la défense restera un rêve ou si nous avons, malgré la crise, l'envie et les moyens de la faire avancer au niveau des pistes de coopération existantes ou à venir.
À l'heure où les intérêts géostratégiques américains se déplacent vers l'Asie et où nos intérêts de sécurité sont directement mis en cause dans plusieurs régions (crise libyenne, piraterie en Somalie, Al Qaida au Maghreb islamique...), l'Union européenne (UE) ne peut se permettre de faire l'économie de capacités solides et crédibles pour répondre à la gestion des crises. Après dix ans de coopération européenne sans précédent, la défense européenne est cependant confrontée à une crise inédite : sous l'effet de la crise économique, les États européens sont actuellement contraints à des réductions conséquentes de budgets et d'effectifs. En effet, sans pour autant atteindre les réductions records de plus de 25 % des budgets militaires des pays baltes, où la part dévolue à la défense est inférieure à 1 % du PIB, aucun État n'est épargné par les réductions drastiques de son budget militaire : en Allemagne, restriction de 8,3 Mdeuros accompagnée d'une diminution des effectifs de 40 % d'ici à 2014 ; en Italie, restriction de 10 % du budget sur la période 2011-2013 ; au Royaume-Uni, réduction de 8 % sur quatre ans, accompagnée d'une diminution des effectifs de 40 000 personnes. En France, alors que la contribution du ministère de la défense et des anciens combattants au plan d'économies de l'État pour l'année 2010 est déjà de 3,5 Mdeuros, le ministère poursuit sa réforme d'ampleur (réduction des effectifs de 54 000 hommes d'ici 2014). Pour contrer le risque de déclassement stratégique et de pertes irréversibles de compétences européennes en matière d'industrie de défense, les Européens doivent renforcer leur coopération. En effet, la contrainte budgétaire nous oblige à utiliser au mieux les ressources disponibles en recherchant, partout où cela est possible et utile, des solutions communes de partage et de mutualisation des capacités, des synergies entre nos forces armées, des économies d'échelle et des gains de productivité. C'est en ce sens que, sous présidence française de l'Union européenne, les 27 chefs d'État et de gouvernement se sont engagés, lors du Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008, à développer des capacités de défense fortes et interopérables, notamment par le partage et la mutualisation des capacités existantes. Depuis, les progrès accomplis marquent certes des avancées réelles, telle la création du commandement aérien de transport stratégique (EATC) en septembre 2009, mais demeurent encore insuffisants. L'Europe des capacités doit également se construire autour de grands noyaux régionaux. Dans cette optique, le traité franco-britannique de coopération en matière de défense et de sécurité, signé le 2 novembre 2010, vise à organiser dans la durée une coopération de défense sans précédent entre nos forces et les industries de défense, qui représentent plus de 75 % des capacités européennes. Le renforcement en cours du partenariat de défense franco-allemand poursuit le même objectif. Chez nos partenaires, outre les pôles capacitaires existants (pays nordiques, pays baltes) dont certains pourraient être amenés à se regrouper (annonce du ministre de la défense letton en faveur d'un rapprochement nordico-balte sur le modèle franco-britannique), il convient de saluer et d'encourager la coopération rénovée entre les partenaires du groupe de Visegrad (Pologne, République tchèque, Hongrie, Slovaquie). Ces coopérations régionales ne sont toutefois pas exclusives des avancées menées de concert par les 27 États membres de l'UE. Une large réflexion est actuellement en cours au sein des instances européennes pour développer le partage et la mutualisation des capacités de défense des partenaires européens. L'Agence européenne de défense (AED) présente toutes les garanties (confidentialité, adaptabilité, respect du degré d'exigences techniques fixé par les États membres) pour être un levier de référence dans ce domaine et articuler les projets entre eux afin de dégager les propositions structurantes et prioritaires pour l'Union. Pour autant, l'Agence ne pourra tenir ce rôle sans une forte mobilisation de l'ensemble des États membres. Dès lors, le renforcement de la confiance entre les États membres est un facteur essentiel de réussite. Pour y parvenir, la France soutient la mise en place d'un groupe de personnalités européennes, adossé à l'AED, qui aurait la confiance des décideurs publics et industriels de haut rang. Ce groupe proposerait aux chefs d'État et de gouvernement de l'UE les mesures à mettre en place et les projets de coopération capacitaires susceptibles d'être développés pour éviter que l'Europe ne se désarme. Ces perspectives impliquent qu'au-delà de l'optimisation de l'existant, il n'y aura pas d'avancée significative possible sans la reconnaissance progressive d'une préférence communautaire.
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