Mme Nicole Ameline interroge M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur les clauses sociales et environnementales contenues dans le code des marchés publics. En effet, avec le nouveau code des marchés publics entré en vigueur le 1er septembre 2006, l'État, les collectivités territoriales ou les établissements publics peuvent désormais intégrer des critères à caractère social ou environnemental pour choisir un prestataire. C'est pourquoi l'article 14 du nouveau code des marchés publics ouvre la possibilité de prendre en compte dans les achats la "protection de l'environnement" et le "progrès social". Concrètement, le prestataire doit confier un volume défini d'heures de travail à des personnes "éloignées de l'emploi". Il peut pour cela effectuer un recrutement spécifique ou encore sous-traiter à une entreprise d'insertion. Ainsi, par le biais des marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs ont la possibilité de développer des actions d'insertion destinée à promouvoir l'emploi des personnes ayant un faible niveau de qualification, des jeunes n'ayant jamais travaillé ou des personnes en reconversion, ayant connu des incidents dans leur parcours personnel ou professionnel. Ainsi, en ces temps de crise économique, ces clauses sociales d'insertion constituent un moyen pour la commande publique d'intervenir directement sur l'emploi, et de donner la priorité aux plus fragiles. Aussi, et compte tenu de la situation délicate de l'emploi dans notre pays, elle aimerait savoir s'il est envisageable de tirer d'ors et déjà un premier bilan du niveau d'emploi de cette catégorie de travailleur dans l'attribution des marchés publics, et s'il est prévu de nouvelles mesures à l'encontre de ce public.
L'article 14 du code des marchés publics prévoit la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices de définir des conditions d'exécution des marchés à caractère social ou environnemental. Il ne s'agit pas de critères de sélection permettant le classement des offres, mais de conditions d'exécution du marché que devra respecter l'attributaire du marché. Le pouvoir adjudicateur indique, dans l'avis d'appel public à la concurrence ou les documents de la consultation, l'exigence d'une ou plusieurs clauses d'exécution, détaillées dans le cahier des charges. Elles ne doivent pas avoir d'effet discriminatoire. Les conditions d'exécution sont définies dans les clauses du contrat. Ces outils permettent aux acheteurs publics de fixer eux-mêmes le niveau d'exigence environnementale ou sociale qu'ils souhaitent voir atteint dans l'exécution de leurs marchés. Ils oeuvrent l'ensemble du champ de l'achat public sans restriction de montant ou d'objet. Les conditions d'exécution environnementales peuvent être diverses. À titre d'exemple, l'acheteur peut imposer la livraison/emballage en vrac plutôt qu'en petit conditionnement, la récupération ou réutilisation des emballages, la livraison des marchandises dans des conteneurs réutilisables, la collecte et le recyclage des déchets produits. En matière sociale, le marché peut prévoir de faire effectuer la prestation en intégrant des heures de travail d'insertion ou toute autre considération sociale comme la promotion de la diversité et l'égalité des chances. Les clauses sociales peuvent ainsi poursuivre un objectif d'insertion des personnes éloignées de l'emploi, notamment par l'affectation d'un certain nombre d'heures travaillées à des publics en situation de précarité ou d'exclusion : chômeurs de longue durée, bénéficiaires de minima sociaux, jeunes ayant un faible niveau de qualification ou travailleurs handicapés. Les clauses sociales peuvent également avoir pour objet la mise en oeuvre d'actions de formation à destination de ces publics. Par exemple, le pouvoir adjudicateur peut insérer dans son marché une clause prévoyant que l'attributaire s'astreint, pour les besoins du marché, à recruter au moyen de curriculum vitae anonymes ou à mener des actions de sensibilisation de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs. Ces clauses qui doivent être pertinentes, socialement utiles et bien ciblées, doivent être rédigées en respectant les règles suivantes : offrir à tous la possibilité de satisfaire à la clause ; ne pas fixer de modalités obligatoires de réalisation de la clause, mais offrir plusieurs possibilités ; ne pas être discriminatoires à l'égard des candidats potentiels et s'imposer, de manière égale, à toutes les entreprises concurrentes ; ne pas limiter la concurrence. L'ensemble des praticiens sont régulièrement sensibilisés à la nécessité de tenir compte de la diversité dans la commande publique. Ainsi, le colloque consacré au développement des clauses sociales, qui s'est tenu le 17 octobre 2008 à Bercy, a réuni 300 praticiens de toute l'Europe autour d'une idée centrale : échanger des bonnes pratiques visant à faciliter l'insertion des demandeurs d'emploi et des personnes souffrant de handicap par le biais des marchés publics. La Communauté urbaine de Nantes la SNCF et Veolia ont ainsi pu présenter des retours d'expérience. Compte tenu de la diversité des clauses d'exécution à caractère social ou environnemental, il est difficile de dresser un bilan statistique des mesures en faveur des personnes en difficulté. Au regard du nombre importants d'acheteurs locaux, l'évaluation de l'insertion de clauses sociales dans les marchés devrait être effectuée au niveau de l'échelon local. Néanmoins, au sein de l'Observatoire économique de l'achat public (OEAP), un groupe de travail a élaboré un rapport sur la promotion de la diversité dans la commande publique à partir de l'expérimentation dans les grands marchés de l'État. Dans ce rapport, l'OEAP rappelle l'absence de statistiques générales sur le sujet. Mais, il cite des retours d'expériences sur des mesures en faveur de l'accès à l'emploi des personnes qui en sont éloignées. Par exemple, l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) impose qu'au minimum 5 % du nombre d'heures nécessaires pour exécuter des travaux qu'elle finance soient réalisés par les habitants des zones urbaines sensibles. Ainsi, le rapport d'activité de l'ANRU, établi au 30 juin 2009, fait apparaître que 4,8 millions d'heures d'insertion ont été effectuées dans 257 projets de rénovation urbaine, bénéficiant à 12 650 personnes, dont 71 d'entre elles habitent les quartiers concernés par la rénovation, 40 % sont des jeunes, 91 % ont un niveau de qualification faible. Par ailleurs, soucieuse de promouvoir la prise en compte des aspects sociaux dans les procédures de marchés publics, la France, dans le cadre de sa contribution au livre vert sur la modernisation de la politique de l'Union européenne en matière de marchés publics, a proposé un assouplissement du lien entre l'objet du marché et les critères d'attribution. Cet assouplissement permettrait, par exemple, aux acheteurs de prendre en compte, lors de l'attribution d'un marché, les performances du candidat en matière d'insertion et ce quel que soit l'objet du marché.
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