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Bernard Depierre
Question N° 102311 au Ministère du Commerce


Question soumise le 15 mars 2011

M. Bernard Depierre appelle l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, sur les difficultés posées par le principe de la réduction des délais de paiement introduite par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 à l'encontre des artisans ruraux, secteur d'activité notamment fait de petites entreprises implantées en milieu rural. Les entreprises artisanales qui exercent leurs métiers dans les domaines de la distribution, l'installation et la réparation des matériels agricoles, des matériels de parcs et jardins et des équipements d'élevage contribuent à pérenniser le service à l'agriculture et à maintenir un tissu économique de petites entreprises en milieu rural. Ce secteur se trouve aujourd'hui confronté à de réelles difficultés provoquées par le mouvement engagé en faveur de la réduction des délais de paiement qui se révèle peu adapté à ses caractéristiques compte tenu de la forte saisonnalité de son activité. Le marché saisonnier dont il est question présente en effet la particularité pour les entreprises de distribution des matériels d'avoir à constituer leurs stocks en amont de la période de vente, afin d'être prêtes dès le début de la saison qui par nature reste dépendante des aléas climatiques. Ce système de commandes dites « de pré-saison » satisfait les parties en présence. Il permet, d'une part, aux fournisseurs et constructeurs du secteur d'anticiper leurs charges de production et de livrer les distributeurs en période creuse ; d'autre part, il permet aux distributeurs d'offrir à leur clientèle finale une gamme de matériels et équipements en début de saison et de bénéficier de délais de paiement allongés (120, 180, 240 jours et plus) qui ne constituent pas une menace pour leur trésorerie, les matériels étant généralement payés au fournisseur concomitamment à leur vente aux usagers. Compte tenu de ces caractéristiques, il apparaît clairement que l'application de la réduction des délais de paiement à 45 jours (ou 60 jours) ne peut pas aller sans conséquences sérieuses sur la marche de ces petites entreprises. Pour limiter les risques pesant sur la trésorerie des entreprises par une réduction brutale des délais de paiement, et comme l'autorise la loi de modernisation de l'économie, un accord dérogatoire a été conclu dans le secteur entre les organisations représentatives de la construction et de la distribution. Par cet accord dérogatoire, la filière a pu mettre en place un échéancier permettant de réduire progressivement les délais pratiqués jusqu'alors dans la branche en vue de s'aligner sur les délais légaux au 1er janvier 2012 au plus tard. Malgré cet accord, plus l'échéancier avance, plus les petites entreprises de la distribution se trouvent confrontées à la fragilisation de leur trésorerie. Compte tenu, par ailleurs, des difficultés de recours au crédit bancaire, on peut craindre qu'un nombre important d'entreprises de la distribution notamment parmi les plus petites, ne risque de faire faillite faute de liquidités pour leurs besoins en fonds de roulement. Pour préserver au mieux leur trésorerie, les entreprises sont donc tentées de réagir à la situation de deux manières complémentaires : en réduisant leurs commandes de pré-saison et en se limitant à des commandes de petit volume. Le secteur des matériels des parcs et jardins a ainsi vu les commandes de pré-saison diminuer des deux tiers, de sorte qu'elles ne représentent plus aujourd'hui que 20 % du chiffre d'affaires total du secteur contre 60 % avant la LME ; en se tournant vers des fournisseurs implantés dans d'autres pays européens, proposant les mêmes marques et offrant des délais de paiement plus avantageux, ces fournisseurs étrangers n'étant pas soumis au respect de la LME. Il apparaît nécessaire aujourd'hui de permettre à ces entreprises de bénéficier de dispositions dérogatoires prolongées ou reconduites pour les commandes de pré-saison ou que les délais de paiement relatifs aux opérations de ventes de matériels puissent à nouveau être fixées contractuellement entre les parties. Eu égard à ces observations, il lui demande quelles mesures il compte prendre afin de sauvegarder le tissu économique de ces petites entreprises rurales.

Réponse émise le 26 avril 2011

L'ampleur des délais de paiement en France par rapport à la moyenne européenne est une préoccupation majeure du Gouvernement qui s'attache à redresser cette situation en concertation avec les milieux professionnels concernés. La loi a ainsi limité à soixante jours calendaires ou quarante-cinq jours fin de mois le délai maximal de paiement et à fixer des intérêts de retard dissuasifs en cas de dépassement. L'effet de la loi est positif pour nombre de petites et moyennes entreprises (PME) du secteur de l'industrie manufacturière (hors industrie agroalimentaire) et des services aux entreprises. Cependant, le Gouvernement n'a pas voulu appliquer de manière brutale la réduction des délais de paiement. La loi a ainsi pris en compte les difficultés d'adaptation de certains secteurs d'activité, notamment ceux caractérisés par un marché saisonnier des ventes, en permettant la conclusion d'accords dérogatoires interprofessionnels ayant pour effet de définir des délais de paiement maximum supérieurs à celui visé ci-dessus. Ces accords ont été conçus pour répondre au souhait d'organisations interprofessionnelles de bénéficier d'un délai pour réorganiser leur modèle économique afin que leurs fournisseurs n'encaissent plus le produit de leurs ventes au-delà d'une période moyenne de deux mois. Il y a lieu de rappeler que le Gouvernement, conscient des efforts demandés aux entreprises et des conséquences qui en résultent au niveau de leur besoin en fonds de roulement, a mis en place des mesures appropriées en leur faveur dès 2009 dans le cadre du plan de relance PME. Parmi les mesures édictées figurent notamment celles visant à la création d'un fonds de garantie qui a depuis été renforcé et l'instauration d'une garantie Oséo ciblée sur les financements bancaires à court terme. Le Gouvernement n'entend pas remettre cette réforme en cause par une multiplicité d'exceptions pérennes qui seraient mises en oeuvre. À ce jour, la seule exemption concerne un secteur tout à fait spécifique, parce que culturel, qui est celui du livre. Il s'agissait notamment d'éviter une remise en cause des fondements de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre et des mesures prises par l'État et les collectivités territoriales en faveur de la librairie. Néanmoins, l'importante question de la sortie des accords dérogatoires est abordée dans le cadre des travaux de l'Observatoire des délais de paiement présidé par M. Jean-Hervé Lorenzi, afin que la transition vers le droit commun puisse s'opérer dans les meilleures conditions.

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