M. Philippe Duron attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur les conséquences pour les producteurs de lait de la mise en place de la contractualisation découlant de la loi de modernisation agricole. Ces contractualisations doivent entrer en vigueur dans le secteur laitier au 1er avril 2011. La date butoir, proche, a pour conséquence d'inciter fortement les agriculteurs à signer, avec les transformateurs, le contrat sans qu'ils aient eu le temps de s'organiser afin de mener une négociation collective qui permettrait d'assurer un équilibre juste entre les parties contractantes. Il semblerait que cet aspect d'une politique qui se voulait contractuelle ne soit pas respecté par les contrats actuellement proposés par certaines coopératives. En effet comment peut-on imaginer que les agriculteurs soient en mesure de vérifier l'application du double quota ? Comment peut-on éviter les clauses abusives et notamment les obligations d'adhérer à telle et telle organisation de producteurs ? Par voie de conséquence, certains agriculteurs disent être contraints de signer des contrats dont la qualification serait plus proche du contrat d'adhésion que du contrat négocié. La loi était censée apporter, à travers ce processus de contractualisation, un ensemble de garanties qui permettraient aux agriculteurs de ne pas se sentir lésés : garanties, entre autres, de visibilité tant sur les volumes à produire que sur les prix payés. Le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs face à leurs acheteurs a été une des priorités du ministre. Malheureusement, sur le terrain, la marge de manoeuvre de négociation est totalement limitée pour les producteurs qui subissent des pressions de la part des acheteurs, y compris celles d'être exclus des collectes. Les contrats risquent donc de connaître rapidement la même jurisprudence que les contrats de droit commun, notamment pour ce qui concerne les clauses abusives. La loi pas plus que les décrets n'ont pu aujourd'hui apaiser les craintes des producteurs de lait. Le temps des procès et des contestations juridiques n'étant pas celui des producteurs de lait, ceux-ci risquent de déposer le bilan avant que leurs droits ne soient reconnus. Les négociations entre producteurs et acheteurs sont donc à l'évidence un débat qui reste loin d'être abouti pour qu'ils puissent envisager plus sereinement cette coopération. Coopération que certaines associations de producteurs appellent leurs adhérents à refuser. Aussi, afin d'harmoniser les attentes de chacun dans ce dossier, il apparaît nécessaire et indispensable que la date d'entrée en vigueur de la contractualisation pour la filière laitière puisse être différée et la voix des producteurs entendue. Il lui demande de différer l'échéance du 1er avril afin de laisser aux agriculteurs le temps nécessaire de s'organiser et de mener de façon collective des négociations pour la mise en place de contractualisations justes et équilibrées dans un climat apaisé et, ainsi, éviter le malaise social qu'une précipitation excessive risque de générer.
La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) du 27 juillet 2010 a notamment pour objectif de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs et d'améliorer la transparence du fonctionnement des marchés. L'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime et le décret n° 2010-1753 qui en sont issus prévoient que, à partir du 1er avril 2011, tout acheteur de lait cru devra proposer aux producteurs de lait qui le fournissent un contrat écrit conforme aux dispositions définies par la loi et le décret. Pour les coopératives, des dispositions spécifiques s'appliquent puisqu'elles doivent proposer à leurs adhérents un exemplaire des statuts ou du règlement intérieur intégrant les obligations définies par décret. C'est donc sur l'acheteur que repose l'obligation de proposer un contrat, sous peine d'une amende administrative. Les producteurs de lait ne seront pas obligés de signer les contrats qui leur seront proposés par les industriels s'ils les jugent déséquilibrés. La négociation des clauses du contrat pourra alors se dérouler ou être prolongée et la relation commerciale poursuivie dans les conditions antérieures. En cas de difficultés liées à la mise en place ou à l'exécution de ces contrats, et notamment de clauses qu'ils jugent abusives, les producteurs de lait pourront faire appel au médiateur prévu par la loi. Le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs face à leurs acheteurs est essentiel. Aujourd'hui, le regroupement des producteurs de lait en organisations avec mandat de négociation est déjà permis par le droit. Aller plus loin nécessite une modification des règles de la concurrence au niveau communautaire. La proposition de règlement dite « paquet lait » que la Commission a présenté en Conseil des ministres de l'agriculture le 13 décembre 2010 va dans ce sens. Il s'agit d'une avancée considérable avec l'introduction d'une dérogation au droit des ententes portée par le ministre chargé de l'agriculture dès l'automne 2009 en pleine crise laitière. Dans ce cadre, des organisations de producteurs, propriétaires ou non du lait, regroupant jusqu'à 3,5 % de la production laitière européenne, soit environ 5 millions de tonnes de lait, auront la capacité de négocier collectivement les prix pour leurs producteurs. Pour bénéficier de cette dérogation, les organisations de producteurs devront avoir été reconnues par l'État membre. Un décret sur les organisations de producteurs sera publié dès l'adoption de ce règlement qui devrait intervenir courant 2011. La contractualisation est un dispositif qui est discuté avec l'ensemble des professionnels de la filière laitière depuis plus de deux ans et qui a été votée dans la LMAP après un très riche et très complet débat. Elle a également fait l'objet d'expérimentations concrètes sur le terrain en 2010. Sa mise en place, qui est prévue au 1er avril 2011, ne se fait donc ni dans l'urgence ni dans la précipitation.
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