M. Pascal Terrasse attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les suites pénales de l'affaire de l'amiante. Les responsables de l'Andeva (Association nationale de défense des victimes de l'amiante) ont dressé un inventaire des inadaptations de notre système judiciaire pour instruire et juger des fautes commises dans le cadre de délits non intentionnels. L'affaire de l'amiante a révélé un vide judiciaire entre la qualification d'empoisonnement, qui ne peut être retenue dans le cas d'espèce car elle suppose l'existence d'un élément intentionnel, et le délit de blessure et d'homicide involontaire. Si l'on ne peut pas reprocher aux responsables de la catastrophe d'avoir eu l'intention de tuer des travailleurs, en revanche, l'Andeva considère qu'ils avaient conscience de la dangerosité du matériau et des conséquences que son exploitation entraînerait. Aussi il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'envisage de prendre le Gouvernement afin d'améliorer la justice pénale pour l'ensemble des délits non intentionnels.
Le garde des sceaux prend toute la mesure de la souffrance des victimes de l'exposition à l'amiante et partage leur légitime préoccupation de voir les procédures judiciaires engagées traitées avec toute l'efficacité et la célérité requises. Dès 2005, dans un souci de bonne administration de la justice, une circulaire a été adressée aux procureurs généraux pour que ces affaires particulièrement complexes soient regroupées dans des juridictions disposant de moyens spécifiques et de magistrats spécialisés. Ainsi dès le mois de janvier 2006, les procédures ont été transmises aux pôles de santé publique de Paris ou de Marseille. Les juges d'instruction, qui instruisent à charge et à décharge, mènent actuellement toutes les investigations utiles pour déterminer les circonstances exactes des contaminations à l'amiante et les éventuelles responsabilités encourues au regard des dispositions de l'article 121-3 du code pénal. Le rapport de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale sur la prise en charge des victimes de l'amiante suggère de réformer certains aspects du régime de la responsabilité civile et pénale en matière de risque professionnel. Il évoque notamment les conclusions d'un précédent rapport, en 2006, de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante, qui préconisait de modifier l'article 121-3 du code pénal afin de supprimer les mots « de façon manifestement délibérée » et faciliter ainsi la démonstration de l'élément moral des délits non intentionnels. Le rapport conclut toutefois à l'inopportunité de procéder à cette modification. Il relève que, compte tenu du principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, une telle réforme ne serait en tout état de cause pas applicable aux dossiers actuellement instruits ou à tous les faits antérieurs à cette réforme. En outre, une telle réforme risquerait de rompre l'équilibre délicat que la loi a institué entre les risques de surpénalisation des actes d'imprudence aboutissant à des condamnations inéquitables et à une déresponsabilisation excessive des auteurs de ces actes. Les parlementaires proposent dès lors de réformer l'article 222-19 du code pénal afin d'ajouter « les incapacités permanentes partielles » aux interruptions temporaires de travail dans la définition pénale des blessures involontaires. Cette proposition, qui rejoint les préoccupations exprimées par l'ANDEVA sur les spécificités des délits non intentionnels, fait actuellement l'objet d'une réflexion au sein du ministère de la justice et des libertés. Le garde des sceaux est en effet sensible au fait que la prise en compte des « incapacités permanentes partielles » dans la définition du délit de blessures involontaires faciliterait l'exercice de leurs droits par les victimes atteintes de certaines maladies professionnelles, notamment lorsque celles-ci ne s'accompagnent pas d'un arrêt de travail. Une telle réforme doit cependant faire l'objet au préalable d'une analyse juridique approfondie sur la notion d' « incapacités permanentes partielles », qui serait une notion nouvelle introduite en droit pénal français, et sur les conséquences pratiques que la modification de l'article 222-19 du code pénal est susceptible d'entraîner.
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