M. Charles-Ange Ginesy alerte Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur l'inquiétant phénomène de développement des fonds souverains, notamment saoudien, russe et chinois. En effet, un récent rapport du Sénat sur la question soulève bien des problèmes, et met en lumière les dangers considérables que font peser ces fonds sur la sécurité financière internationale. Disposant d'une puissance et de leviers d'action considérables, ces fonds représentent une menace pour notre pays, son économie, mais aussi pour l'Union européenne et sa stabilité financière. Il note que les fonds souverains du Moyen-Orient pèsent 4 000 milliards de dollars. Il souhaiterait donc connaître sa position quant à ce rapport et, plus généralement, les réponses envisageables pour contrer la multiplication de ces fonds (telle que la réciprocité des investissements).
Les fonds souverains (Sovereign Wealth Funds [SWF]) regroupent un vaste ensemble de fonds gérés par des gouvernements, abondés, notamment, par des « trop-pleins » de recettes d'exportations (par exemple pétrolières) ou par des « excédents » de réserves officielles. Ces fonds peuvent poursuivre des objectifs différents, à l'image des fonds de retraite, des fonds de stabilisation ou des fonds de développement et ont une fonction différente des réserves officielles gérées par la Banque centrale. Si ces fonds ne sont pas nouveaux, l'ampleur des montants qu'ils représentent, en revanche, est inédite, du fait essentiellement de la hausse des cours du pétrole et de l'excédent courant chinois. Bien que la valeur précise des fonds gérés par les SWF soit inconnue - les gouvernements ne communiquant que très peu ou pas (hormis la Norvège) sur ces fonds - les services du Fonds monétaire international (FMI) l'ont récemment estimée de 1 900 à 2 900 milliards de dollars. Les montants gérés par ces fonds devraient connaître une croissance importante dans les prochaines années. Les fonds souverains ont reçu une attention internationale importante et fait l'objet d'importants débats au sein des principales enceintes multilatérales. À ce titre, les ministres des finances du G7 ont reconnu leur rôle positif pour l'allocation de l'épargne émergente, mais aussi les risques que leur développement peut présenter pour la stabilité des marchés financiers internationaux et ont réaffirmé la nécessité d'une transparence accrue. Le G7 a demandé au FMI et à la Banque mondiale de travailler sur les aspects transparence et stabilité financière et a invité l'organisation de coopération et de développement économiques à se concentrer sur les questions relatives aux régimes d'investissement et à la sécurité nationale. Comme le souligne justement le rapport du Sénat, les bénéfices associés à l'existence des fonds souverains peuvent être nombreux et leur croissance ne constitue pas un problème en soi. En effet, ils peuvent avoir un effet stabilisateur pour les économies qui les détiennent, mais aussi jouer un rôle bénéfique de financement de l'économie mondiale, y compris française. Toutefois, les craintes que leur développement suscite sont réelles et leur activité peut présenter un risque macro-financier non négligeable de déstabilisation des marchés financiers internationaux, en raison de l'importance des sommes dont ils disposent, de leur opacité dans leur communication et de l'interrogation qui peut exister sur leurs motivations. La France dispose déjà d'instruments de contrôle des investissements étrangers, soit par le décret du 30 décembre 2005 relatif aux investissements étrangers en France, qui permet un contrôle des investissements étrangers réalisés dans une liste de 11 secteurs, dont 7 hors défense nationale, soit suite à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui a défini un cadre permettant aux États membres de conserver des actions spécifiques dans certaines entreprises, notamment celles présentant des réseaux d'infrastructure stratégique, soit encore par le biais de réglementations spécifiques à certains secteurs (presse, radio télévisions en langue française). En outre, dans le cadre de la préparation du paquet énergie, la commission réfléchit à la possibilité d'assurer une meilleure réciprocité en termes d'accès au marché. En toute hypothèse, un encadrement contraignant de l'activité des fonds souverains relèvera nécessairement de la compétence communautaire et devra également respecter les engagements pris en matière de libéralisation des services par la communauté à l'organisation mondiale du commerce. À ce stade, la création d'un cadre international nouveau pour répondre au développement des fonds souverains et de leurs investissements semble envisageable mais sa forme ne fait pas l'objet d'un accord international. Il est clairement dans l'intérêt de la France d'attirer des investissements étrangers et de ne pas s'isoler des détenteurs de capitaux. C'est dans ce contexte que le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi oeuvre pour que la France prenne une part très active dans les débats internationaux et notamment évoqué, à titre d'exemple de bonnes pratiques, le Fonds de réserve pour les retraites français.
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