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Intervention de Marie-Hélène Amiable

Réunion du 26 octobre 2007 à 21h45
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 35

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Amiable :

En proposant la création de franchises médicales, le Gouvernement nous parle de retrouver l'équilibre en 2012. En 2004, MM. Douste-Blazy et Bertrand nous avaient déjà promis l'équilibre pour 2007 avec la franchise de 1 euro et l'instauration du médecin traitant…

Nous refusons, comme la majorité des Français, de céder à votre chantage qui consiste à instrumentaliser le déficit de la sécurité sociale, alors que vous présentez un budget qui repousse de nouveau l'horizon de l'équilibre tout en ayant accordé 14 milliards d'euros aux plus riches cet été, dans le cadre du paquet fiscal.

Maintenant, vous voulez faire rimer « santé » non plus avec « gratuité » ou « solidarité », mais avec « marché » et « débouchés ». Mais personne n'est dupe. Votre bricolage consiste à faire peser le reste des coûts sur les malades qui n'auront pas les moyens de s'assurer à grand frais. Comme le souligne Alain Lhostis, président délégué de l'AP-HP, c'est une double peine : parce qu'on est malade, on devrait cotiser davantage.

Depuis plusieurs années, les contributions se multiplient : la franchise de 1 euro, de 18 euros pour les actes lourds, le ticket modérateur, le forfait hospitalier à 15 euros. Cette année, on estime ces dépenses de santé non remboursées à 240 euros par personne et par an en moyenne, mais elles vont jusqu'à 1 000 euros pour 900 000 Français.

En outre, continuer à accepter aujourd'hui la franchise, c'est accepter demain qu'elle augmente chaque année pour servir de variable d'ajustement. L'exemple de la Suisse est parlant. Un système appelé « prime d'assurance maladie obligatoire », introduit en 1995, augmente à un rythme moyen de 5 % par an. Un patient suisse doit aujourd'hui s'acquitter d'une prime annuelle de 182 euros pour avoir droit à des remboursements. Selon l'Observatoire fédéral de la santé publique suisse, la prime a augmenté de 67,6 % en dix ans…

Madame la ministre, vous prétendez que la franchise médicale constitue un élément indispensable de responsabilisation des patients. Mais c'est une aberration, comme l'ont dit plusieurs collègues. Par définition, le malade subit son état de santé ; il n'est pas responsable d'un accident. D'ores et déjà, 15 % des Français déclarent renoncer à des soins pour des raisons financières. Or ce report d'actes médicaux entraîne l'aggravation de certaines pathologies qui deviennent plus lourdes et plus coûteuses à traiter.

Ce système de franchise rompt un peu plus avec les principes de solidarité et d'égalité de notre sécurité sociale selon lesquels chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Or, ce droit fondamental, tiré du programme du Conseil national de la Résistance, est pourtant énoncé dans le préambule de la Constitution : « La nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous la protection de la santé ».

Avec des millions de Français nous vous rappelons que d'autres moyens existent pour le financement pérenne de notre protection sociale : la taxation des revenus financiers dont nous avons longuement discuté, l'augmentation des salaires, la lutte contre le chômage. On estime que 100 000 chômeurs représentent un manque à gagner de 1,3 milliard d'euros de cotisations pour le régime général. L'emploi et la croissance constituent, à notre avis, les leviers prioritaires.

Nous nous opposons donc au système de franchise et au démantèlement de la sécurité sociale qui place peu à peu la santé dans le champ des choix économiques et non plus dans celui des droits garantis par la solidarité nationale.

Avec la création de cette franchise, on peut effectivement parler de « rupture », mot cher à notre Président. Celle que vous proposez consiste à mener, dans tous les secteurs de la société française, la plus grave offensive antisociale de ces cinquante dernières années.

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