Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 26 octobre 2007 à 21h45
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 35

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Nous en venons, avec cet article 35, à l'une des mesures phares de ce projet de loi de finances, une mesure aussi absurde que scandaleuse, qui a suscité de vives réactions et que nos concitoyens, dans leur grande majorité, rejettent en bloc – je lisais aujourd'hui dans la presse qu'un million et demi de signatures sont déjà recueillies par deux organisations syndicales, et cela ne s'arrêtera pas là.

Nous partageons leur lassitude : forfait hospitalier, 1 euro sur les consultations, ticket modérateur sur les actes techniques, déremboursements des médicaments… La liste est longue des mécanismes financiers visant à mettre directement à contribution les malades.

Ces mécanismes s'inscrivent dans une logique économique et sociale en rupture avec le pacte social de 1945, avec l'héritage de la Libération. Le financement des soins glisse aujourd'hui du cotisant et du contribuable vers le malade, de la prise en charge collective à la prise en charge individuelle, du patient au consommateur de soins, d'un régime solidaire à un régime assuranciel. Car là est la réponse que nous avons trouvée derrière votre proposition : l'assurance guette.

Vous nous proposez, avec cet article, d'ajouter une nouvelle feuille à un mille-feuilles indigeste. La seule vraie nouveauté est que vous dites désormais clairement ce qui demeurait jusqu'ici pudiquement dans l'implicite : le malade doit financer ses soins.

Vous parez ce mécanisme de vertus mensongères. Aucun effet positif n'est en effet à attendre de la mise en place des franchises médicales. Vous prétendez ainsi « responsabiliser » les malades, comme si la plupart des patients étaient responsables de leur maladie, comme si l'on se rendait chez le médecin comme un consommateur se rend au supermarché !

Comment pouvez-vous infliger cette amende aux victimes des accidents du travail et des maladies professionnelles ? Ont-elles, pour les unes, provoqué l'accident du travail ou, pour les autres, choisi d'être les victimes de l'amiante ou des cancers professionnels ? Les franchises sont moralement et socialement inacceptables. Elles seront en outre – puisqu'il semble que l'économie seule vous guide – économiquement inefficaces.

Elles sont moralement et socialement inacceptables car elles conduisent de fait tout un chacun à payer deux fois, : une fois par les cotisations et impôts, une seconde fois lorsqu'on est malade.

Ces franchises vont par ailleurs peser beaucoup plus lourdement sur les foyers modestes que sur les foyers aisés. Comme avec la TVA, nous avons là une forme d'imposition qui ne tient aucun compte du principe de progressivité. Votre calcul est simple : les plus pauvres financeront le système sans aller chez le médecin et les classes moyennes par une nouvelle ponction.

Les conséquences de ces franchises seront bien évidemment désastreuses. Elles vont d'abord aggraver les difficultés d'accès aux soins, socialement injustes dans un système solidaire. Elles vont dissuader les foyers modestes de recourir assez précocement aux soins, au double risque d'un recours plus fréquent à l'accès direct aux soins hospitaliers et à l'automédication ou à un recours trop tardif, après aggravation de la maladie, à des soins adaptés.

Cette dérive prévisible est donc dangereuse pour les personnes concernées. Elle est dangereuse aussi en termes de santé publique. Elle est enfin, au bout du compte, beaucoup plus coûteuse. Du fait de la désorganisation des soins, les franchises médicales ne pourront finalement qu'aggraver le déficit déjà historique de la sécurité sociale.

Vous savez comme nous et comme nombre de nos voisins européens qu'un système de santé digne de ce nom doit reposer sur le recours le plus fréquent possible à la médecine de ville, s'adosser à une politique de prévention efficace et à un bon maillage territorial des établissements de soins.

Les franchises, outre qu'elles sont injustes et aggravent les inégalités, vont contribuer à désorganiser un peu plus notre système de santé. Nous nous y opposerons donc avec véhémence, car cette mesure, madame la ministre, est indigne.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion