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Intervention de Jean-Claude Viollet

Réunion du 26 octobre 2007 à 21h45
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 35

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Viollet :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà quatre jours que nous parlons de solidarité ; et c'est bien normal, car c'est l'essence même de notre système de protection sociale que chacune et chacun d'entre nous, ayant contribué selon ses moyens, soit assuré de pouvoir, sans discrimination aucune, accéder à tous les soins qu'exige son état de santé défaillant, son handicap ou sa dépendance.

C'est précisément ce qui nous amène, madame la ministre, à nous opposer avec force à votre projet de franchise médicale, qui remet profondément en cause ce principe fondateur.

Cela a été dit, mais il faut le répéter, l'efficacité économique de ce projet n'est pas prouvée, car la plus grande proportion des dépenses de santé est le fait d'une minorité de patients : 52 % des dépenses de santé pour 5 % des assurés sociaux seulement, ceux qui sont atteints d'affections graves nécessitant des traitements lourds et coûteux, dans la durée, sur lesquels votre franchise n'aura pas d'effet.

Pis, et cela aussi a été dit, ce projet peut se révéler contre-productif, dans la mesure où des patients qui renonceraient à une consultation, à une analyse biologique ou à un premier soin pourraient avoir demain besoin de recevoir ces soins longs et coûteux sur lesquels la franchise n'aura que peu d'effet.

Au-delà de ces arguments, c'est bien sur la remise en cause de notre modèle de protection sociale qu'il nous faut insister. En faisant payer les malades pour les malades, on remet en cause le principe de solidarité qui prévalait jusqu'à présent entre bien portants et malades, entre valides et handicapés, entre générations.

Avec votre projet, la rupture d'égalité est consommée. Ceux qui auront les moyens de payer la franchise continueront d'accéder à l'ensemble des soins – mieux : ils souscriront l'assurance qui couvrira la franchise –, tandis que ceux qui n'en auront pas les moyens renonceront, à terme, aux soins, n'ayant pas davantage les moyens de souscrire l'assurance qui les couvrirait.

J'ai entendu, dans un colloque parlementaire organisé par la Mutualité sociale agricole auquel nous étions nombreux, de tous les bancs de notre assemblée, à participer certains de nos collègues de la majorité affirmer que ces personnes ne seraient pas laissées pour autant au bord du chemin, puisque les départements ou les communes pourraient venir à leur secours. Mais alors, chers collègues, entre l'assurance, pour les mieux lotis et l'aide sociale pour les plus démunis, qui ne voit se profiler la remise en cause de la sécurité sociale elle-même ? La boucle est bouclée !

Le décor ne serait pas complet si je n'évoquais, à ce propos, le bouclier fiscal que vous avez institué sur tous les impôts – ISF, IRPP, taxe d'habitation, foncier bâti et non bâti –, mais également sur la CSG et la CRDS. Cela signifie que vous avez décidé de rembourser aux plus riches, et notamment aux détenteurs des plus gros patrimoines, une partie même de leur contribution à la solidarité nationale et que, puisque les collectivités territoriales doivent bien compenser d'une manière ou d'une autre cette perte de recettes, ce remboursement sera financé en partie par l'augmentation des impôts locaux – taxe d'habitation et demain, peut-être, comme on l'a déjà évoqué ici à de nombreuses reprises, de la CSG et de la CRDS, voire de la TVA, que supporteront tous les contribuables, locataires ou propriétaires, ne bénéficiant pas du bouclier fiscal, et notamment ceux qui ont les revenus les plus modestes.

C'est un comble ! Ce sont les plus modestes d'entre nous, ceux qui renonceront peut-être aux soins, faute de pouvoir acquitter votre franchise médicale, qui financeront, en quelque sorte, la prime d'assurance qui permettra aux plus riches de s'affranchir de cette dépense. « Prendre aux pauvres pour distribuer aux riches », disait notre collègue Hervé Féron !

Quand il s'agit de santé, vous comprendrez que cela devienne insupportable pour les femmes et les hommes que nous sommes, épris de ces valeurs fondatrices de solidarité qui, voilà plus de soixante ans, ont animé les membres du Conseil national de la Résistance.

Puisque vous aimez citer les pays ayant déjà mis en oeuvre les mesures que vous proposez, les exemples sont nombreux de franchises médicales qui n'ont fait que croître, au point que ceux-là même qui, dans un premier temps, pouvaient s'en acquitter ou s'en affranchir par l'assurance, n'ont pu suivre leur évolution.

Il s'agit donc bien d'une régression programmée, que nous sommes décidés à combattre avec toute notre énergie, avec l'ensemble des forces de progrès de ce pays, pour préserver notre système de solidarité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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