Madame la ministre, je vais rebondir sur ce que vient de dire ma collègueCatherine Lemorton : je me réjouis, à mon tour, qu'il y ait des dispositions destinées à prévenir, par la voie de l'interdiction, l'alcoolisme et l'ivresse chez les jeunes, car les chiffres sont dramatiques.
Néanmoins, je suis moins positive que ne l'a été ma collègue : cet article n'est que la première étape, à un niveau très modeste, d'une politique de prévention. Chacun sait bien que ce n'est pas à travers des mesures d'interdiction, même si celles-ci sont nécessaires, que les jeunes pourront être protégés des risques qu'ils encourent du fait d'une consommation non maîtrisée et excessive, liée parfois à des paris ou à des jeux. Le phénomène d'alcoolisation des jeunes a existé dans les pays anglo-saxons avant d'être importé en France. Notre pays ne connaissait pas jusqu'alors ce phénomène spécifique.
Aujourd'hui, aux États-Unis, les doyens d'université s'unissent pour demander des mesures de prévention fortes qui ne consistent pas uniquement dans l'interdiction de vente. En effet, une telle interdiction ne saurait suffire car elle apparaît aux jeunes comme une norme qui, de ce fait, doit être contournée.
Je suis très fortement favorable aux mesures d'interdiction posées dans le texte, mais je considère qu'elles sont très insuffisantes pour tenir lieu de politique de prévention de l'alcoolisme chez les jeunes, en particulier chez les adolescents. Il faut prendre en compte la dimension culturelle de leur consommation d'alcool, à savoir une contestation des règles et des normes. Vous avez dit que les mesures d'interdiction existent déjà, et qu'il reste maintenant à faire appliquer la loi.
Qu'annoncez-vous, que proposez-vous pour que les normes que nous allons voter dans un instant – à une large majorité, je l'espère – soient appliquées ? Quelles garanties nous apportez-vous sur les moyens accordés, afin que cette règle soit respectée ?
L'exemple du tabagisme chez les moins de seize ans montre que la règle est contournée en permanence : les jeunes parviennent à acheter du tabac, sans même passer par des copains plus âgés ou des réseaux plus ou moins licites. Cette question de l'application des règles existantes sur le tabac se posera aussi, à l'avenir, pour la vente d'alcool aux mineurs.
Pour ne pas allonger les débats, je ne reviens pas sur toutes les raisons et les statistiques qui nous amènent à considérer que ce nouveau phénomène de l'alcoolisation chez les jeunes d'une quinzaine d'années est extrêmement grave, et je me réjouis des dispositions contenues dans le projet de loi. Cependant, je dois dire que ces mesures me paraissent à la fois insuffisamment garanties et insuffisantes pour tenir lieu de politique de prévention.