Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais plus modestement revenir à l'accord du 17 mai 2005 en discussion ce soir. Il porte sur la coopération franco-canadienne en matière d'hydrocarbures.
Je n'entrerai pas dans le détail de cet accord, le rapporteur l'a très bien fait. Mais cet accord nous inspire deux réflexions. Premièrement, il offre des perspectives de développement économique particulièrement intéressantes pour l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Deuxièmement, il pose la question de la délimitation du domaine maritime français.
À cet instant de mon intervention, je tenais à saluer l'action constante de notre ancien collègue Gérard Grignon, qui, au cours des précédentes législatures, s'est exprimé à de nombreuses reprises dans cet hémicycle et a défendu, avec coeur et détermination, la préservation des intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont aussi ceux de la France.
Dans le contexte mondial énergétique que nous connaissons, cet accord revêt une importance économique capitale pour la France et pour l'archipel. La zone économique exclusive française est, en effet, située en plein coeur des réserves importantes d'hydrocarbures off shore, principalement de gaz. Les provinces atlantiques comme Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse qui, tout comme l'archipel, ont souffert de la crise de la pêche sont aujourd'hui en pleine croissance économique, compte tenu des retombées financières de l'exploitation des champs d'hydrocarbures : c'est exemple de la transformation de l'aéroport d'Halifax et du développement des ports de Terre-Neuve pour l'avitaillement des plates-formes. Il y a deux ans, leur taux de croissance était de 6 %. C'est pour nous une véritable opportunité. L'exploitation des gisements de pétrole et de gaz étant en pleine expansion dans ce secteur géographique, il est tout à fait normal que Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficie d'une partie de ces ressources transfrontalières. C'est un enjeu vital pour l'archipel, pour nos 7000 compatriotes. L'avenir économique de Saint-Pierre-et-Miquelon en dépend.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, l'activité économique de l'archipel, uniquement orientée vers la pêche et la transformation de la morue, est en déclin en raison de la délimitation de la zone économique exclusive – secteur où la ressource halieutique est peu importante – et des quotas de pêche, très bas, fixés par les autorités canadiennes. Je me permets de rappeler que notre ancien collègue fut l'hôte des geôles canadiennes. L'exploitation des hydrocarbures permettrait donc de diversifier l'activité économique de l'archipel. Encore faut-il être certain que la loi canadienne sur le cabotage – l'Atlantic Act – ne s'applique pas dans les zones transfrontalières d'hydrocarbures. C'est un point important pour le développement de l'activité portuaire de l'archipel en matière d'avitaillement des plates-formes. Cet accord revêt également une importance extrême, car il pose la question du plateau continental. C'est là un sujet de droit maritime international complexe et, pour nos relations avec nos voisins canadiens, diplomatiquement sensible.
Or l'accord peut avoir de graves conséquences pour notre prétention à nos droits sur le plateau continental comme le prévoit la convention des Nations unies sur le droit de la mer. Elle permet à la France de revendiquer l'extension de sa juridiction, au-delà des 200 milles marins, jusqu'à la limite du plateau continental. La détermination du champ spatial de l'accord pose, en effet, problème, notamment au sud du « couloir » déterminé par la décision du tribunal de New York du 10 juin 1992, décision reconnaissant à la France le droit de disposer d'une zone économique exclusive. L'imprécision et 1'ambiguïté des termes employés dans l'accord risqueraient de faire obstacle à nos droits sur le plateau continental. L'État français doit être vigilant sur ce point et cette partie de l'accord doit faire l'objet d'une déclaration interprétative. En tout état de cause, monsieur le secrétaire d'État, la ratification de l'accord du 17 mai 2005 ne peut être considérée comme une renonciation de la France à ses droits à l'extension du plateau continental et nous souhaiterions avoir les assurances du Gouvernement sur ce point.
En outre, la demande d'extension du plateau continental au large des côtes de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, au-delà des 200 milles marins, doit être déposée avant mai 2009 auprès de la Commission des limites du plateau continental. Dans cette perspective, la France doit pouvoir mener à bien les recherches scientifiques marines nécessaires à l'établissement de sa demande. Des relevés scientifiques, programmés dans le cadre des campagnes EXTRAPLAC, doivent être effectués dans les eaux sous juridiction canadienne et une approche concertée entre la France et le Canada s'impose. Monsieur le secrétaire d'État, la France a-t-elle bien l'intention de déposer ce dossier, bien que le Canada refuse de reconnaître les droits de Saint-Pierre-et-Miquelon à un plateau continental prolongé et menace l'avenir de la négociation des accords de coopération régionaux ? Le Gouvernement, sous la précédente législature, s'y était engagé. Pourriez-vous nous préciser quel est l'avancement du dossier et des discussions avec le Canada, afin que l'IFREMER puisse entreprendre ses relevés dans les meilleurs délais ? Car, si la France ne dépose pas ce dossier, la zone économique française sera enclavée dans l'espace canadien, ce qui, à terme, risque de compromettre la présence française dans cette partie du monde. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)