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Intervention de Gérard Voisin

Réunion du 26 septembre 2007 à 15h00
Accord france-canada sur les champs d'hydrocarbures transfrontaliers — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Voisin :

rapporteur de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, un certain nombre d'éléments de l'accord viennent d'être évoqués.

Je voudrais en premier lieu remercier Mme Girardin, députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont l'intérêt pour l'accord franco-canadien et la pertinence de vue m'ont permis de vous présenter ce rapport.

Je voudrais également féliciter Christiane Taubira qui, en qualité de rapporteure du texte précédent, nous a offert une extraordinaire leçon d'intelligence, dans un domaine scientifique réputé difficile.

Le potentiel d'hydrocarbures présent dans le sous-sol au large du Canada et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que la configuration particulière de cet espace maritime, liée à l'enclavement de la zone économique exclusive française dans les eaux canadiennes, justifient la signature d'un accord qui organise l'exploration et l'exploitation de futurs gisements communs.

L'accord vise, d'une part, à préciser les obligations découlant du caractère transfrontalier ou non d'une accumulation d'hydrocarbures et, d'autre part, à encadrer les accords qui devront être conclus pour chaque champ d'hydrocarbures transfrontalier.

En contribuant à approfondir la coopération entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada atlantique, l'accord favorise non seulement le développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais aussi des relations apaisées entre la France et le Canada.

L'histoire récente des relations franco-canadiennes a été marquée par plusieurs différends relatifs à l'Atlantique Nord. Les revendications françaises à l'égard du plateau continental ainsi que la contestation de la zone économique exclusive autour de l'archipel traduisent la concurrence entre les deux États côtiers sur les espaces maritimes qui les bordent.

Le contentieux opposant la France et le Canada après l'instauration en 1977 d'une zone économique exclusive autour de Saint-Pierre-et-Miquelon a fait l'objet d'une décision du tribunal arbitral de New York le 10 juin 1992. Celle-ci reconnaît à Saint-Pierre-et-Miquelon le droit de disposer d'une zone économique de 12 400 kilomètres carrés et délimite avec précision une zone, enclavée dans les eaux sous juridiction canadienne, qui entoure l'archipel et comprend un étroit couloir au sud, vers les eaux internationales.

Cette délimitation a fait l'objet, en 1996, d'une modification unilatérale regrettable de la part du Canada, étendant la zone économique canadienne vers le plateau continental.

Aux termes de l'article 76 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, les États côtiers peuvent étendre leur juridiction au-delà de la zone économique exclusive en fixant la limite de leur plateau continental. Celui-ci, en effet, comprend les fonds marins et leur sous-sol, depuis le prolongement naturel du territoire terrestre de l'État jusqu'au rebord externe de la marge continentale.

Lorsque la marge continentale s'étend au-delà des 200 milles – cette distance correspondant à la limite de la zone exclusive – les États peuvent prétendre étendre leur juridiction. Afin de revendiquer cette extension, l'État côtier doit déposer, avant le mois de mai 2009 pour la France, un dossier technique et juridique devant la Commission des limites du plateau continental, organisme dépendant des Nations unies. Il appartient ensuite à l'État demandeur de fixer la limite de son plateau continental sur la base des recommandations formulées par la Commission.

Saint-Pierre-et-Miquelon est inscrit sur la liste préparatoire en vue de la présentation d'une demande d'extension du plateau continental, à laquelle l'archipel est particulièrement attaché – Mme Girardin a judicieusement souligné l'intérêt de cette inscription. Dans cette perspective, l'absence de contestation de la modification unilatérale opérée par le Canada en 1996 pourrait constituer un argument majeur en faveur d'une exploitation exclusive du plateau continental par le Canada. Le recul des activités économiques liées à la pêche impose de diversifier les ressources économiques de l'archipel, l'exploitation des hydrocarbures présentant à cet égard un potentiel faiblement exploité jusqu'à présent.

Le bassin sédimentaire laurentien dont relève Saint-Pierre-et-Miquelon est encadré par deux zones distinctes qui produisent, entre autres, des hydrocarbures liquides au large de Terre-Neuve – ce sont les gisements d'Hibernia et de Terra Nova – et d'hydrocarbures gazeux au large de l'île de Sable, sur le plateau continental de la Nouvelle Écosse. Les premiers travaux d'exploration du bassin laurentien ont confirmé l'existence de structures susceptibles de receler des hydrocarbures. Actuellement, seul un titre d'exploration est en cours de validité au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'accord franco-canadien constitue le socle d'une coopération nouvelle dans le domaine des hydrocarbures. L'accord, bien qu'il n'en porte pas le nom, s'apparente à un accord-cadre en ce qu'il prévoit la procédure permettant d'établir le caractère transfrontalier d'une accumulation d'hydrocarbures, d'une part, et les modalités ainsi que le contenu de futurs accords propres à chaque champ d'hydrocarbures transfrontalier, d'autre part.

Il détermine la procédure que les différentes parties doivent respecter en présence d'une accumulation, depuis sa découverte jusqu'au règlement des différends pouvant résulter de l'exploitation des hydrocarbures.

La procédure repose d'abord sur la communication de l'information relative aux forages pouvant donner lieu à la découverte d'une accumulation transfrontalière. Les annexes I et II déterminent les informations que chaque partie doit fournir à l'autre selon deux critères : la zone de forage et le caractère transfrontalier ou non de l'accumulation.

Lorsqu'un forage est réalisé à moins de dix milles marins de la frontière maritime, dans la mer territoriale ou la zone exclusive d'une des parties, celle-ci doit communiquer à l'autre partie les renseignements décrits dans l'annexe I. Lorsque l'existence d'une accumulation transfrontalière a été entérinée par les deux parties ou déterminée par un expert, chaque partie est tenue de fournir à l'autre les informations décrites dans l'annexe II et relatives à la zone qu'elles auront délimitée ensemble.

L'exploitation de chaque champ transfrontalier nécessite ensuite la signature d'accords entre les parties française et canadienne, ainsi qu'entre les détenteurs de titre minier. L'accord d'exploitation est signé entre les parties française et canadienne alors que les détenteurs de titre minier concluent, à la demande des parties, un accord d'union. Ce dernier comporte notamment des dispositions relatives à la mise en commun de leurs droits respectifs sur les ressources d'hydrocarbures et sur le partage des coûts et bénéfices liés à l'exploitation. Le début de la production est suspendu à l'approbation par les parties d'un plan de développement et d'un plan de valorisation économique, proposés par l'exploitant unitaire et prévus respectivement par les annexes V et VI. Le plan de valorisation économique comprend des dispositions de nature à garantir des retombées économiques favorables aux collectivités concernées.

L'exploitant unitaire présente également aux parties des propositions relatives à la détermination des réserves estimées d'hydrocarbures ainsi qu'à leur répartition, afin de garantir une évaluation équitable et régulièrement actualisée des ressources.

La préoccupation environnementale est prise en compte : les parties doivent ainsi veiller à ce que l'exploitation permette de « minimiser tout impact négatif significatif sur l'environnement marin ou côtier et tout dommage aux infrastructures se trouvant à terre ou en mer, aux navires ou aux engins de pêche ». Elles doivent également adopter un plan d'urgence conjoint en cas de pollution en mer.

Un groupe de travail technique est chargé, à la demande des parties, d'examiner les questions techniques découlant de la mise en oeuvre de l'accord, qu'il s'agisse du cadre géologique régional ou des plans de développement ou de valorisation économique.

Les différends portant sur la découverte d'une accumulation et la détermination des réserves sont soumis à un expert, selon les règles prévues par l'annexe III, tandis que ceux portant sur l'accord d'exploitation et les plans de développement et de valorisation économique font l'objet d'une procédure d'arbitrage, conformément aux règles fixées par l'annexe IV.

À ce jour, le Canada n'a pas procédé à la ratification de l'accord.

La signature de cet accord constitue un premier pas vers la revitalisation économique de Saint-Pierre-et-Miquelon et un modèle de coopération respectueuse entre la France et le Canada. En espérant que cet exemple inspirera de futures collaborations, je vous recommande, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, d'adopter le projet de loi autorisant son approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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