L'intervention de Mme la rapporteure me dispensera de revenir sur toutes les réserves qu'elle a si brillamment exposées.
Mais je voudrais exprimer un regret, celui que notre pays ait abandonné le programme Ariane 4. À l'époque, on nous affirmait que le lanceur Ariane 5 allait s'y substituer, et que ses capacités permettraient de lancer soit de gros satellites, soit plusieurs petits satellites. Aujourd'hui, on nous explique qu'il nous manque un lanceur intermédiaire et qu'il nous faut conclure un accord avec Soyouz.
Or, nous avons abandonné Ariane 4 quasiment au moment où l'on a engagé l'accord sur Soyouz. En résumé, nous avons fait un très beau cadeau aux Russes, en échangeant notre programme Ariane 4 contre une collaboration avec Soyouz qui – et Mme Taubira l'a montré – pouvait nous ouvrir plus largement les portes de l'espace et peut-être, à terme, des vols habités.
Sur le plan économique, je m'interroge sur les bénéfices de cet accord et je ne suis pas convaincu par la réponse du CNES, questionné à ma demande par Christiane Taubira.
Dans ma région, la Haute-Normandie, on produit les moteurs d'Ariane 5, et dans la ville dont je suis maire, Gonfreville-l'Orcher, on fabrique des pièces de la fusée Ariane. Tout cela part de mon port préféré, Le Havre, pour aller rejoindre la Guyane. Ces entreprises que j'ai interrogées ne tablent pas sur une augmentation de la production de lanceurs Ariane 5. Elles redoutent même qu'on n'ait tendance à utiliser des Soyouz plutôt que d'attendre le gros-porteur, moins flexible – il faut remplir son coffre de satellites avant d'effectuer un lancement.
Même si l'on peut s'attendre à un bénéfice commercial, je considère qu'il n'existe pas de bénéfice économique, en termes d'emplois et de production d'Ariane 5. D'ailleurs, les syndicats de ces usines, à Vernon notamment, avaient réagi au moment de la signature de l'accord avec Soyouz, en détaillant les conséquences possibles sur leur production.
En tant qu'élu de Haute-Normandie et maire de Gonfreville-l'Orcher, je revendique une certaine expérience en matière d'environnement et de santé publique. Nous sommes un peu champions de France des zones Seveso, malheureusement, puisque la région en compte dix-sept, dont deux dans ma ville.
À cet égard, je partage l'opinion de Mme la rapporteure, sur la nécessité de mettre en place un observatoire « santé-environnement » dès maintenant, sans attendre que le programme soit lancé. N'attendons pas qu'il soit trop tard, comme c'est malheureusement parfois le cas, chez nous ou ailleurs.
Seveso II permettra d'évaluer les risques technologiques potentiels, notamment les retombées en cas de problème. Mais la question de la santé publique est plus compliquée. Tenir un registre des cancers, c'est important mais insuffisant. Il faut un observatoire associant tous les acteurs de santé publique : la DRASS, les médecins, les pharmaciens, tous ceux qui peuvent contribuer d'une manière ou d'une autre à observer l'évolution de la santé en fonction des tirs, de la météo, etc. Ce travail suppose une vraie compétence qui pourrait être développée au sein d'un observatoire. J'en fais la demande pour ma ville, comme Mme Taubira le fait, avec raison, pour la Guyane.
En conclusion, je partage les réserves – grandes réserves – de Mme Taubira. Mais, dans mon cas, elles me conduiront à voter contre la ratification.