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Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 26 septembre 2007 à 15h00
Accord entre la france et l'agence spatiale européenne relatif à l'ensemble de lancement soyouz au centre spatial guyanais — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristiane Taubira, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

J'en viens à l'accord lui-même.

Comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, il a été signé le 21 mars 2005 entre le gouvernement français et l'Agence spatiale européenne – ESA – et fait suite à l'accord du 7 novembre 2003 entre le gouvernement français et le gouvernement de la fédération de Russie. Sont visés dans cet accord deux déclarations – celle sur la production d'Ariane en 2001 et celle sur la production de Soyouz en 2004 –, quatre résolutions adoptées par l'ESA et quatre accords, dont celui du 19 janvier 2005 passé entre l'ESA et l'agence russe Roscosmos. De ses quinze articles, six méritent particulièrement d'être considérés.

L'article 1er, parce que c'est une véritable explication de texte qui définit les appellations et le rôle des différentes personnalités morales qui interviennent aussi bien au titre du contenu de l'accord qu'au titre des accords, résolutions et déclarations visés. C'est ainsi que l'on comprend le rôle du Centre national d'études spatiales, celui du Centre spatial guyanais, qui s'étend maintenant sur deux communes – Kourou et Sinnamary –, et celui d'Arianespace, qui est l'exploitant commercial. Au niveau de l'Union européenne, l'opérateur est l'ESA, où sont représentés les dix-sept pays membres, et au niveau russe c'est l'agence Roscosmos, qui remplace Rosaviacosmos.

L'article 3 définit les responsabilités du gouvernement français en matière de protection, de sauvegarde, de sûreté des personnes et des biens. Cette mission de sauvegarde est déléguée au CNES par le gouvernement français. Celui-ci doit donner son accord pour le développement et l'évolution du programme Soyouz, et c'est lui qui est l'autorité d'immatriculation.

L'article 4 précise que c'est également le CNES qui doit assurer l'application des mesures de sécurité et de défense définies par le Gouvernement.

L'article 5 précise les conditions d'accès et d'utilisation de l'Ensemble de lancement Soyouz et introduit l'opérateur commercial Arianespace.

L'article 11 concerne les conditions de renonciation mutuelle à recours tout en précisant les circonstances dans lesquelles cette renonciation n'est pas opposable. Cela concerne évidemment la propriété intellectuelle et les situations où il y a lésion corporelle et décès.

Quant à l'article 13, il traite du règlement des différends par le tribunal d'arbitrage.

Quel est l'objet de cet accord ? Nous l'avons dit, c'est un programme de coopération entre le gouvernement français et l'Agence spatiale européenne. Ce programme de coopération concerne Soyouz, dont la version spécifiquement développée pour les lancements depuis la Guyane s'appelle Soyouz-ST. C'est un lanceur moyen qui a une capacité de mise en orbite géostationnaire de satellites d'un poids de 2,7 à 3 tonnes et pour lequel est prévue une fréquence de lancement de deux à quatre par an. Je rappelle qu'Ariane est un lanceur lourd ayant une capacité de lancement double de 8,7 à 10 tonnes, avec une combinaison idéale de gros satellites de 5,5 à 6 tonnes, accompagnés de petits satellites de 2,7 à 3 tonnes.

Pendant les travaux de la commission des affaires étrangères, M. Jean-Paul Lecoq s'est inquiété des éventuelles conséquences sur la vitalité du programme Ariane 5 de la possibilité de recours fréquent au lanceur Soyouz sur les petits satellites. Nous avons donc interrogé le CNES et il ressort de sa réponse que, Arianespace étant l'opérateur commun pour les deux programmes, il aura intérêt à optimiser l'utilisation des deux systèmes de lancement et, les gros satellites étant son coeur de cible, il ne va jamais faire attendre le lancement d'un gros satellite. En revanche, la demande de lancement de petits satellites étant plus fréquente, il pourra à la fois faire accompagner les gros satellites et en même temps, dans l'intervalle, faire lancer de petits satellites. Grâce à Soyouz, nous pourrons ainsi rester sur le créneau des lanceurs moyens, fidéliser la clientèle et, bien entendu – c'est de bonne guerre économique –, capter celle du concurrent Land Launch.

Le programme d'Ariane 5 est donc établi. Quant au programme Vega, c'est un lanceur léger qui peut lancer des satellites de 300 kilos à 1,7 tonne. C'est un programme facultatif, dont le leadership est italien, et auquel seuls les sept pays intéressés participent. Le programme Soyouz est également un programme facultatif. Cela veut dire que la clef de contribution habituelle n'est pas pertinente et que chaque État qui souhaite y participer le fait et définit sa contribution. La France en est le leader. Il en est le principal contributeur avec 63 % d'un budget qui s'élève à 344 millions d'euros – 121 millions utilisés en Russie et à Baïkonour pour des développements et 223 millions pour les travaux en Guyane, dont 140 millions sont apportés par la France. Il est évident que le programme Soyouz tiré par la France provoque de justes retours industriels sur lesquels je reviendrai.

Le programme Ariane 4 était aussi un programme de lanceurs moyens et l'on peut légitimement s'interroger. En effet, ce programme a duré quinze ans – 116 lancements, dont trois échecs, de 1988 à 2003 – et il remplissait le rôle qui va être celui de Soyouz. Simplement, le processus complet de production de Soyouz coûte 40 millions d'euros alors que celui d'Ariane 4 était de 80 millions d'euros. Ariane 4 a été interrompu en 2003, année durant laquelle est intervenue la signature pour Soyouz. Nous pouvons donc nous interroger sur la pertinence d'un lanceur moyen Soyouz aujourd'hui.

S'agissant de la fiabilité, celle de Soyouz est de 96 % à 98 %, avec 1 700 exemplaires produits depuis 1957, et celle d'Ariane 4 était de 97 %. La fiabilité d'Ariane 5 est de 90 % – 28 succès sur 31 lancements –, mais il est prévu qu'elle atteigne 98 % et, avec l'accroissement des tirs, il est possible qu'elle y parvienne.

Quelles sont les caractéristiques du programme Soyouz ? Son intérêt stratégique est considérable, car c'est dans l'exploration pacifique de l'espace que se joue la compétition entre les grandes nations sur les plans scientifique et technologique. Cela dit, un point d'interrogation demeure s'agissant de la pertinence de l'abandon du programme Ariane 4 de lanceurs moyens.

Son intérêt économique mérite d'être pondéré. Il est question de 250 emplois, mais nous n'avons obtenu de précisions ni sur leur répartition, ni sur la part qui reviendrait au CNES en France et au CNES en Guyane. S'agissant des justes retours industriels dont je parlais tout à l'heure, le leadership de la France fait parfois l'objet, par ses partenaires, d'une mise en interrogation qui s'accompagne de revendications pour de justes retours industriels chez les partenaires eux-mêmes, pour une plus forte implication d'entreprises d'autres nationalités, donc pour des infrastructures sur les territoires de ces autres pays. Pour le reste des emplois à terme, en période de croisière, les Russes devraient être environ 360 en Guyane sur le site, mais il y a là aussi un point d'interrogation.

Sur le plan de l'intérêt commercial, l'opérateur européen pourra être positionné sur les trois niveaux de lanceurs : Ariane 5 sur la gamme des lanceurs lourds, Soyouz pour les lanceurs moyens et Vega pour les lanceurs légers.

Sur le plan scientifique, la première coopération entre la France et la Russie a été lancée en 1966 par le général de Gaulle. Cette coopération concernait l'exploration pacifique de l'espace, notamment du système solaire. Elle a permis une première mission commune de vol habité en 1982, puis, entre 1982 et 2001, l'intégration de cinq spationautes français aux missions russes, notamment pour rejoindre la station Saliout 7, la station Mir et la station internationale ISS.

Des perspectives scientifiques ou techniques concernent Galileo et Glonass – les GPS européens et russes équivalents dont il s'agit d'améliorer l'interopérabilité, c'est-à-dire la compatibilité. Autre perspective intéressante : le GMES, une initiative européenne pour l'environnement et la sécurité. L'année prochaine, le conseil ministériel de l'ESA va se prononcer sur l'éventuelle participation au programme ACTS, un système avancé de transport d'équipage – l'ancien programme vaisseau Kliper. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, les deux agences européenne et russe sont aussi associées dans le programme des lanceurs du futur, qui devrait aboutir à l'horizon 2020.

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