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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 26 septembre 2007 à 15h00
Application de l'article 65 de la convention sur les brevets européens — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Le rapport affirme par ailleurs que le nouveau système de dépôt serait de nature à réduire les coûts de traduction. Cependant, plusieurs points problématiques ne font l'objet d'aucune analyse, qu'il s'agisse de la langue française et des effets de l'accord sur notre droit interne ou de la menace que fait peser, au niveau européen, cette lourde tendance à l'uniformisation sur le pluralisme et la diversité culturelle.

Car le problème dépasse largement la question du français et doit être replacé dans le contexte de l'hégémonie américaine sur le plan international, y compris dans l'organisation de la société internationale dont l'Europe fait partie.

Avant même d'entamer une analyse plus approfondie, il convient de rappeler que la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle s'est prononcée contre la ratification du Protocole de Londres, de même que l'Académie des sciences morales et politiques et que l'Association des conseils en propriété industrielle.

Si l'on croit Catherine Tasca dans ses articles datant du 27 février 2006 parus dans Libération et dans Les Échos, la ratification du Protocole de Londres n'apportera à la France et aux autres pays que des bénéfices. Ces affirmations basées strictement sur des calculs financiers, et répondant plutôt à une logique uniquement économique, oublient d'analyser toutes les conséquences politiques et culturelles que ce projet de loi représente non seulement pour la France, mais aussi pour les autres pays et peuples européens.

Cela dit, le 1er février dernier, la commission des finances de l'Assemblée nationale a spontanément adopté – sans qu'aucun gouvernement, que ce soit celui de Lionel Jospin ou celui de Dominique de Villepin, ne l'ait jamais demandé – un amendement au projet de loi de programme pour la recherche prévoyant ratification par la France du « protocole de Londres ».

Cette initiative s'avère calamiteuse pour la stimulation du dépôt de brevets en français, pour l'innovation en général et pour l'esprit même de la francophonie en particulier, comme permettent de s'en souvenir quelques rappels liminaires. En effet, c'est en octobre 2000 que s'est tenue à Londres une conférence dont l'objet était d'apporter certaines modifications à la Convention de Munich de 1973 qui institua le brevet européen. Il s'agissait de mettre au point et de faire signer un protocole prévoyant que les brevets européens – déposés, pour un bon nombre d'entre eux, en langue anglaise – seront opposables aux tiers sans traduction préalable dans la langue de chaque pays signataire, c'est-à-dire, dans le cas de brevets européens désignant la France, sans traduction préalable en langue française.

À Londres, le gouvernement français d'alors s'était provisoirement abstenu de signer ce texte, se réservant la faculté de se concerter avec toutes les parties intéressées à une date initialement fixée en 2001.

À l'origine, des groupes de pression en France en faveur de ce texte – quelques multinationales françaises appuyées, comme on l'a entendu sur vos bancs, par la direction du MEDEF – ont exercé une pression sur les divers gouvernements successifs, relayant une exigence formulée, il y a une dizaine d'années, par l'Office nord-américain des brevets, qui avait déclaré : « Il faut que le monde entier comprenne que l'anglais est la langue en matière de propriété industrielle. » C'est bien de la manifestation de la tendance de l'hégémonie d'un seul modèle social, d'un seul modèle culturel possible qu'il s'agit.

Les petites et moyennes entreprises, prétendument « bénéficiaires » – nous l'avons entendu de la bouche du ministre – seraient les premières victimes. Les PME devraient, en outre, traduire en français les brevets en anglais, les protégeant ainsi contre elles-mêmes ! Elles pourraient, enfin, déposer à leur tour en anglais, et donc ne recruter que des ingénieurs anglophones, en violant l'égalité entre demandeurs d'emploi, car les immigrants anglophones seront dispensés ipso facto d'apprendre et de maîtriser le français, puisqu'ils peuvent ne pas subir la loi sur l'immigration. Elles devraient assurer une traduction, peu coûteuse mais symboliquement lourde, de leurs brevets vers les langues des dix-sept États d'Europe qui, bien qu' étrangers à la tradition française de promotion de la langue, ont refusé de signer le protocole, comme c'est le cas de l'Espagne.

Sous le fallacieux prétexte de réduire les coûts de dépôt d'un brevet européen pour augmenter le nombre de dépôts nationaux, le but avoué est tout simplement que les firmes multinationales réalisent une économie substantielle.

Il est ainsi évident que la suppression de l'obligation de traduction des brevets dans la langue du pays dans lequel il est déposé pose un certain nombre de problèmes de fond. L'un des arguments utilisés – il est pertinent de le répéter – est que cela permet d'alléger les coûts de traduction. Cet argument, strictement économique et financier, ne justifie aucunement la suppression de la traduction dans la langue nationale. À titre d'exemple, la Grande-Bretagne, avec 4 721 dépôts de brevets en Europe, bénéficierait, avec le Protocole de Londres, d'une économie de sept traductions sur les neuf langues des pays signataires. En effet, l'anglais, langue originale du brevet britannique, vaudra de toute façon pour le dépôt en Irlande, non-signataire, et aux États-Unis bien sûr. En reprenant la valeur de 1 000 euros par traduction, la Grande-Bretagne ferait ainsi une économie de 33,05 millions d'euros grâce aux sept traductions évitées.

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