Monsieur Méhaignerie, pendant la période en question, 1997-2002, le pouvoir d'achat a connu une hausse globale très forte. Il importe de distinguer ce qui s'est passé à l'échelle de l'ensemble de l'économie de ce qui a pu se passer dans des entreprises ayant négocié les 35 heures. Dominique Strauss-Kahn avait parfaitement raison et ses propos ont été vérifiés dans les faits. Les négociations pour la réduction du temps de travail comportaient pour les entreprises des contreparties en termes de créations d'emplois – 7 % d'embauches pour 10 % de réduction du temps de travail – et en termes de modération salariale, de façon que leur compétitivité ne soit pas compromise. De fait, la compétitivité des entreprises s'est globalement améliorée de 1997 à 2002. Pendant cette période, le taux d'inflation a été moindre en France que chez ses partenaires parce que les gains de productivité ont été importants. En outre, l'excédent extérieur de notre pays s'est établi entre 15 et 20 milliards d'euros pendant ces cinq années. Vous ne pouvez pas guère vous targuer des mêmes résultats : en 2003, l'excédent commercial a disparu, et l'an dernier notre pays a enregistré un déficit commercial de 34 milliards d'euros – un record historique !
Ce n'est pas parce que les entreprises ayant négocié sur la base des lois Aubry ont appliqué une politique de modération salariale que les salariés n'ont pas bénéficié d'une augmentation globale de leur pouvoir d'achat. Je vous renvoie encore une fois aux chiffres. De 1997 à 2002, le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages a connu une augmentation annuelle de plus de 3 %, due pour deux tiers aux créations massives d'emplois et pour un tiers à la hausse du revenu moyen. C'est un résultat jamais atteint depuis que votre majorité est au pouvoir. Au dernier trimestre de l'année 2007, le pouvoir d'achat du salaire a même baissé – j'ai sous les yeux la dernière note de conjoncture de l'INSEE, dont la publication a d'ailleurs été commentée de manière plutôt amusante par la ministre de l'économie. Et au premier trimestre de l'année 2008, il a continué à baisser.
Monsieur le ministre, j'aimerais ici évoquer le partage du travail. En subventionnant les heures supplémentaires, vous avez mis en place un dispositif qui fait que les entreprises, au lieu d'embaucher, peuvent choisir d'augmenter la durée du travail de leurs salariés. Le problème, c'est qu'elles ne le font pas. Vous avez d'ailleurs été obligés de réviser l'objectif annoncé dans la loi TEPA de 900 millions d'heures supplémentaires pour le ramener à 750 millions, sur la base des données du premier trimestre. Nous ne disposons pas encore de données précises mais quand bien même il y aurait un légère augmentation du recours aux heures supplémentaires – ce que je ne crois pas –, cela se ferait au détriment des créations d'emplois.
Par ailleurs, pour évaluer le principe du « travailler plus pour gagner plus », il importe de raisonner à l'échelle de l'ensemble de l'économie. Sur le long terme, le nombre total d'heures travaillées a tendanciellement baissé – je me fonde sur les chiffres de la DARES et de l'INSEE. La France a en effet créé peu d'emplois dans son histoire et a réduit la durée du travail, comme tous les pays industrialisés. Cela dit, il y a eu une période où le nombre total d'heures travaillées a augmenté de façon importante, c'est entre 1997 et 2002, avec une hausse se situant entre 7 % et 10 %. La création de 2 millions d'emplois à 35 heures a en effet généré des millions et des millions d'heures supplémentaires, malgré une baisse de la durée du travail de deux heures pour tous les autres salariés. Or, on n'observe pas du tout cela aujourd'hui. Et, de toute façon, les heures supplémentaires que vous allez peut-être gagner, ce dont je doute compte tenu de la conjoncture, seront autant d'occasions perdues de créer des emplois. Vous serez bien surpris lorsque le chiffre relatif au nombre total d'heures travaillées sera publié : vous verrez que le principe « travailler plus pour gagner plus » ne se vérifie malheureusement pas dans notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)