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Intervention de Yves Cochet

Réunion du 9 octobre 2008 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Avant l'article 1er, amendement 593

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

Même si je n'ai pas déposé beaucoup d'amendements portant article additionnel avant l'article 1er, je pense que nos collègues socialistes ont eu raison d'intervenir sur le début du texte. Cela dit, je ne suis pas tout à fait d'accord avec la formulation d'une partie de cet amendement.

Certes, nous partageons tous de nobles objectifs qui tiennent au progrès humain, économique, social et environnemental. Mais, à un tel niveau de généralité, si l'on ne quantifie pas sa pensée, on peut dire à peu près n'importe quoi. Le pseudo-concept de développement durable peut tout contenir. Des entreprises aussi nobles que Total ou Areva prétendent même le mettre en oeuvre ! Dans leur cas, on pourrait aussi bien parler d'éco-blanchiment ou de green washing. C'est fréquent et cela marche bien, puisque les gens y croient. C'est pourquoi une certaine phraséologie me gêne.

En outre, l'amendement fait la promotion d'un nouveau modèle de développement fondé sur une croissance qui serait compatible avec tout : l'impératif écologique, la protection sociale, l'innovation, l'aménagement du territoire et la création d'emplois. On bute sur une difficulté intellectuelle. Sans répéter mes propos de ce matin, je pointe ici une sorte de malentendement sur les principes et les grands objectifs. Or, si ceux-ci sont d'emblée mal fondés, les amendements portant sur tel ou tel point de détail, que nous allons passer tant de temps à examiner, manqueront de pertinence, en dépit de leur intérêt ponctuel. Et, pour ma part, si j'ai déposé un amendement – un seul – à cet endroit du texte, ce n'est pas pour définir une croissance qui serait compatible avec tout et son contraire.

Hier, le Premier ministre aurait dû signaler que nous entrions non dans un cycle de récession qui déboucherait sur une nouvelle « croissance verte », susceptible d'élever notre taux de croissance jusqu'à 3 % ou 5 % du PIB, ce qui se produit en Chine ou en Inde, mais dans un cycle de récession fondamental, dont il n'existe aucun exemple dans l'Histoire. Il tient en effet à un effondrement de ces matières de sustentation de notre société que sont les matières premières. Le choc pétrolier était un problème politique. D'autres crises ont été de nature économique. Mais ce problème lié à la déplétion est inédit, d'autant qu'il se pose pour 6,7 milliards de personnes. D'où la nécessité de réagir avec des critères, des valeurs et des outils intellectuels tout à fait nouveaux.

Il me paraît donc vain de prétendre que l'on va retrouver le chemin de la croissance. Nous en avons certes profité depuis soixante ans, mais elle ne cesse de décroître. Il faut à présent s'adapter. Au lendemain de la convention de Rio, le protocole de Kyoto prévoyait deux politiques pour lutter contre le changement climatique. L'une prévoyait la réduction de l'émission des gaz à effet de serre ; l'autre, une adaptation. La première, en effet, ne suffisait pas : il était déjà trop tard pour penser qu'on pourrait éviter un grand choc climatique. Il en va de même pour ce que j'ai nommé la déplétion : il est trop tard pour croire qu'on évitera une vraie récession. Je le regrette, mais c'est par un aveuglement intellectuel résultant de je ne sais quelle bouillie neuronale que l'on a refusé de voir ce qui arrive actuellement.

Je vous en prie donc, mes chers collègues : sur cette loi à laquelle nous aspirons tous et dont nous reconnaissons que les objectifs sont bons, ne partons avec de mauvais outils législatifs et intellectuels.

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