Il faut bien comprendre le sens de l'alinéa ajouté à l'article L. 521-6 du code du travail. M. Muzeau a rappelé très pertinemment que cet article spécifie déjà que, pour les personnels des collectivités, des organismes et des entreprises assumant un service public, aucune rémunération n'est prévue, en cas de grève, en dehors des charges familiales. La loi actuelle prévoit donc qu'il n'y a pas de rémunération.
Cela posé, la jurisprudence déjà citée établit que, lorsque le conflit a manifestement pour origine l'attitude de l'employeur, ce qui arrive parfois, il est possible de ne pas appliquer cette interdiction. Mais l'alinéa que vous ajoutez revient sur ce dispositif en fermant définitivement toute possibilité que la compensation puisse être assumée, même dans certaines grèves particulières, dont la légitimité peut être évidente, notamment en cas de violation fondamentale du droit par l'employeur. Dans une telle situation, les salariés qui feraient grève pour faire reconnaître leur droit et obtiendraient finalement gain de cause ne pourraient pas recevoir leur salaire. Voilà ce qui pose problème.
La jurisprudence a fait oeuvre d'équité en constatant que les grèves peuvent être, pour des salariés, un moyen de se réapproprier un droit que l'employeur leur refuse. Mais il suffit de relire l'article 9, par lequel le rapporteur et la commission proposent de compléter l'article L. 521-6, pour comprendre que toute possibilité de rémunération sera désormais prohibée, sans aucune possibilité de dérogation. Réputer ces paiements sans cause, c'est exposer celui qui l'assurerait au risque juridique d'un versement non fondé, ce dont on connaît les conséquences tant dans une collectivité que dans une entreprise assumant un service public.
Nous ne pouvons pas aller dans votre sens, qui revient, comme M. Muzeau l'a justement fait observer, à envoyer comme message que toute grève est, en définitive, illégitime. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)