Cet article constitue l'ultime attaque contre le droit de grève, attaque symbolique mais fortement démagogique. En effet, il rappelle que les jours de grève ne sont pas payés. Quel intérêt présente cet article puisque la règle en vigueur, c'est dores et déjà que les grévistes ne perçoivent pas leur salaire les journées où ils cessent le travail ? Eux le savent bien et sentent passer la pilule quand ils décident de renoncer à un pourcentage de leurs 1 300 ou 1 500 euros mensuels !
Si cet article ne cherche pas à créer une disposition nouvelle, c'est qu'il a un autre but ! En chargeant le projet de loi de cette phrase supplémentaire, vous voulez faire croire que le non-paiement des jours de grève ne serait pas la règle pour mieux dissimuler que les salariés ne se mettent pas en grève à la légère, ou de façon abusive. Par cet article sournois, vous discréditez donc un peu plus les grévistes ! En opposant les salariés aux usagers vous divisez pour mieux régner. On retrouve là vos vieilles recettes : fonctionnaires contre salariés du privé, nationaux contre étrangers, et j'en passe !
Mais revenons à la question du non-paiement des jours de grève. La seule chose qui existe, c'est la pratique d'indemnisation de certains jours de grève, lors de conflits particulièrement durs, pour tenter de limiter les dégâts pour les salariés mobilisés et pour leurs familles.
Prenons l'exemple de la dernière grande grève des Courriers du Midi, une compagnie d'autocars dans l'Hérault, grève qui remonte à 2002. Il est intéressant de le noter au passage, c'était il y a cinq ans : vous voyez bien que les salariés ne se mettent pas en grève à tort et à travers ! Lors de ce conflit, les grévistes avaient finalement obtenu le paiement de la moitié des jours de grève, mais n'est-ce pas normal ? Leur mouvement de grève, c'était de la légitime défense contre les attaques faites au service public et aux salariés.
Et, faut-il le rappeler, lorsque des salariés décident de se mettre en grève pour défendre leurs conditions de travail et le service public, ce sont les droits de tous les salariés qu'ils défendent, ainsi qu'un service dont bénéficie l'intégralité des usagers. Et lorsque leur mobilisation se couronne de succès et qu'ils réussissent à conserver certains acquis – par exemple le maintien d'un poste d'aiguilleur, ou encore celui d'une agence de proximité –, les bénéfices de cette mobilisation sont profitables à tout un ensemble de personnes, qui va bien au-delà des seuls salariés mobilisés. C'est la sécurité de tous les usagers qu'ils défendent alors. Quand ils se battent contre la fermeture de gares, c'est pour le confort de tous les usagers !
Si l'on veut bien reconnaître ce fait, on est obligé d'admettre que l'amendement retenu au Sénat, qui consistait à remplacer la phrase « La rémunération d'un salarié participant à une grève est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève » par la phrase « Les versements effectués par les entreprises aux salariés, visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement ou du salaire prévue au premier alinéa, sont réputés sans cause », est particulièrement inique. Il s'agit de bien enfoncer le clou, si vous me permettez l'expression.
En outre, cette rédaction, partie intégrante d'un texte qui prétend vouloir promouvoir la dialogue social, ferme définitivement la porte à des dispositions qui peuvent être décidées dans le cadre de négociations de fin de conflit, afin de favoriser la reprise du travail dans de bonnes conditions. Ce n'est pas la moindre contradiction de ce texte. Elle en dit long sur l'hostilité qui anime une très large partie des bancs de l'UMP à l'égard des grévistes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et lorsque M. le ministre feint de s'en remettre au bon sens en déclarant, lors de son audition par la commission des affaires économiques, assumer « tout à fait l'idée que si on fait grève, on ne travaille pas, et que si on ne travaille pas, on n'est pas payé », c'est bien là, en fait, la main de fer historique de la droite contre le principe même de démocratie sociale qui s'exprime au grand jour ! Car, je le répète, quand Jaurès se battait pour le droit de grève à Carmaux, la droite de l'époque l'accusait déjà d'être du côté des « fraudeurs » et des « laxistes », de « décourager le travail » et d'avoir « perdu tout sens moral ».