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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 1er août 2007 à 21h30
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Notre amendement de suppression ne vise que les dispositions permettant au chef d'entreprise d'organiser au-delà de huit jours une consultation des salariés sur la poursuite de la grève, dispositif justement décrié en raison des limites qu'il pose à l'exercice du droit de grève. Nous ne touchons pas à l'autre volet de l'article, qui, à la demande de certaines organisations syndicales, rend possible le recours à un médiateur. Cette procédure introduite par nos collègues du Sénat n'appelle pas d'objection de fond de notre part. Sans délai, les parties au conflit pourront prendre l'initiative de recourir à la médiation, en vue d'éviter le durcissement des positions et l'enlisement de la grève. Il reste que cette petite disposition prend place dans un texte dont l'économie générale et nombre de dispositions sont totalement étrangères au développement du dialogue social et peuvent même constituer de nouvelles sources de conflictualité.

Tel est le cas de la consultation des salariés organisée au bout de huit jours sous la responsabilité de l'employeur, que nous rejetons fermement. Le Gouvernement n'invente rien. J'ai le souvenir d'un patronat de l'automobile parmi les plus retors – celui de Peugeot-Talbot-Citroën – qui, dans les années 70 et 80, pratiquait très largement avec son syndicat maison, outre le maniement des manches de pioche, ce type de méthode d'intimidation pour dissuader les salariés de faire la grève ou de la poursuivre et pour les remettre au travail. Ces moments de l'histoire vous ont sans doute échappé, mais pas à moi !

Je passe rapidement sur la question de savoir à qui la consultation sera ouverte. Il semble bien que l'employeur appréciera quels sont les salariés concernés : les grévistes, toute la collectivité de travail, ceux directement visés par les motifs du préavis. En revanche, j'insiste sur le fait qu'à l'instar de l'obligation de se déclarer gréviste, la consultation des salariés sur la poursuite de la grève vise à écarter chaque salarié du mouvement collectif. Elle restreint l'exercice individuel du droit de grève. C'est un redoutable moyen de peser sur le climat social de l'entreprise et de diviser les salariés et leurs organisations syndicales au seul bénéfice d'un employeur qui ne veut pas négocier.

En outre, même si le texte précise que le résultat de la consultation n'a qu'une valeur indicative, dépourvue d'incidence juridique sur la poursuite de la grève, il est plus que probable que l'objet de la consultation sera la cessation du conflit plutôt que la poursuite de la grève. En ce domaine, les intentions du Président de la République sont claires. N'a-t-il pas déclaré qu'il fallait « en finir avec la dictature des minorités » ? Et d'aucuns ici n'ambitionnent-il pas d'interdire tout simplement les grèves minoritaires ? Notre collègue Paternotte avait même envisagé de sanctionner pénalement le fait d'empêcher la reprise du travail si une majorité qualifiée des deux tiers de travailleurs concernés l'a votée. Cet amendement a été retiré, les restrictions des garanties entourant la protection de la liberté du travail étant trop importantes.

Permettre aujourd'hui que figure dans notre corpus législatif le principe même d'une consultation sur la continuation de la grève, c'est poser dangereusement le premier étage d'une fusée pour atteindre demain des restrictions plus frontales encore du droit de grève. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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