Nous proposons de supprimer les dispositions de l'article 5 relatives à la déclaration individuelle d'intention de grève, dispositions inadmissibles qui cristallisent les contestations les plus vives du côté syndical.
Vous aurez beaucoup de mal à nous convaincre, monsieur le ministre, qu'imposer aux grévistes de se déclarer comme tels auprès de leur employeur 48 heures avant le début d'une grève, sous peine de sanction disciplinaire, ne constitue pas une atteinte grave à la liberté individuelle des salariés.
Elle en est une même si seuls certains salariés de l'entreprise sont visés par cette « nouveauté » – en l'occurrence, ceux considérés comme indispensables à l'exécution du plan transport. Cela ne manque d'ailleurs pas de nous interroger sur les inégalités de traitement au sein d'une même entreprise, ou d'entreprises du même secteur, qui résulteront de l'exercice d'un droit de grève à géométrie variable – et surtout à protection changeante.
Elle en est une même s'il est prévu que ces informations seront couvertes par le secret professionnel et ne pourront être utilisées par les entreprises que pour se réorganiser. Ces précisions ne suffisent pas à régler les problèmes concrets de mise en oeuvre, puisque la loi reste muette sur la durée de conservation des déclarations, dont l'employeur doit assurer la « traçabilité ». Les salariés se trouvent ainsi exposés à un risque de fichage.
Elle en est enfin une même si vous tentez d'atténuer sa portée en expliquant que la déclaration individuelle doit être faite dans les 48 heures précédant le début de la grève et non au moins 48 heures avant. Cette disposition individualise au bénéfice de l'employeur l'exercice du droit de grève et expose ainsi le salarié aux intimidations et rétorsions en tout genre.
Vous êtes d'ailleurs tout à fait conscient de ces risques, monsieur le ministre, puisque vous avez pris les devants en déclarant – vous l'avez répété tout à l'heure – que le gouvernement ferait preuve de vigilance sur ce point. Mais les déclarations de principe pèsent peu, surtout lorsqu'un texte ouvre, dans son esprit et dans sa lettre, la voie à tous les abus !
Jusqu'à présent, la jurisprudence, se référant à l'article L. 521-3 du code du travail, a toujours rappelé que, si le droit de grève est individuel, son exercice, lui, est collectif et que, par conséquent, l'obligation de déposer un préavis ne concerne que les syndicats représentatifs.
À cet égard, l'arrêt rendu le 26 juin 2006 par la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière – l'arrêt « Air France » –, est riche d'enseignements. Vous l'avez lu tout à l'heure, notamment la deuxième partie, que je connaissais moi aussi…