L'article 5 prévoit que les entreprises de transport négocient avec les organisations syndicales représentatives des accords de prévisibilité applicables en cas de grève ou d'autre perturbation prévisible du trafic.
Notons tout d'abord que, dans les entreprises chargées de l'exploitation d'un service public, la loi impose le dépôt préalable d'un préavis de grève de cinq jours par un syndicat représentatif. Ce délai est destiné, selon les articles L.521-2 et suivants du code du travail, à négocier en vue de rechercher une réponse aux revendications et d'éviter une désorganisation de la vie sociale. Dès lors, pourquoi ajouter une dispositif de recensement des catégories d'agents, de leurs effectifs et des moyens matériels correspondant au service prévu dans un plan de transport adapté ?
Par ailleurs, pourquoi serait-ce aux organisations syndicales de proposer, de co-décider, d'approuver le recensement des effectifs et moyens « matériels indispensables à l'exécution conformément aux règles de sécurité en vigueur du niveau de service prévu dans le plan de transport adapté » ? En temps normal, les organisations syndicales ne sont pas cogestionnaires.
Quant à la démarche qui consiste à les associer « à la révision de l'organisation du travail » et « aux conditions dans lesquelles les personnels non grévistes sont réaffectés en vue de la mise en oeuvre du plan de transport adopté », elle est totalement irréaliste. Le syndicat défend les intérêts des salariés, dont il est le porte-parole et le représentant. Il agit pour défendre la condition du salariat, l'intérêt général. Il n'a pas pour fonction de combattre tout ou partie des travailleurs et de faire pression sur leur libre choix.
En outre, le paragraphe 2 de l'article 5 s'attaque au droit individuel du salarié de faire grève, puisqu'il lui impose d'informer le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de son intention de participer à la grève, au plus tard quarante-huit heures avant le début de celle-ci, faute de quoi il sera passible d'une sanction disciplinaire. En France, le droit de grève est un droit individuel du salarié, et non pas un droit du syndicat, comme le prévoient certaines législations étrangères. Sa définition vaut pour le secteur privé comme pour le secteur public. C'est un droit individuel exercé collectivement, de manière concertée, en vue de faire aboutir des revendications.
On ne peut ignorer que le salarié est dans une relation de subordination juridique à l'égard de l'employeur, ni sous-estimer le contexte des relations sociales. Avec les dispositions du paragraphe 2 de l'article 5, il sera soumis, tout particulièrement pendant cette période de déclaration d'intention de faire grève, aux pressions, intimidations et culpabilisations de l'employeur et de ses représentants.
Cette réalité n'a d'ailleurs pas échappé à la chambre sociale de la cour d'appel de Grenoble qui, dans un arrêt CGT Rhodia Chimie contre SA Rhodia Chimie du 29 avril 2002, a eu à connaître d'une atteinte caractérisée au droit de grève. Dans cette entreprise, les chefs d'équipe avaient en effet posé aux salariés la question suivante : « Serez-vous grévistes le 30 janvier 1998 ? ». La position de la Cour d'appel est claire : « Attendu cependant que la grève est une cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles ; qu'ainsi la société Rhodia Chimie ne pouvait interroger chaque salarié sur ses motivations sans exercer une pression inacceptable sur chacun des salariés pris individuellement ; qu'en interrogeant chaque salarié individuellement sur ses motivations, la direction de la société Rhodia Chimie a contribué à écarter chaque salarié du mouvement collectif pour le replacer dans un rapport individuel de subordination ; qu'ainsi l'employeur a porté atteinte au libre exercice du droit de grève et, par conséquent, à l'intérêt collectif ; qu'il convient d'accorder au syndicat CGT une somme de 7 500 euros à titre de réparation. »
Le libre consentement du salarié dans le cadre de l'exercice de son droit de grève doit être scrupuleusement respecté jusqu'au déclenchement du conflit. Il doit pouvoir se joindre librement au mouvement ou s'en retirer. Porter atteinte à sa liberté en le menaçant de sanctions disciplinaires constitue une violence illicite.
J'ajoute que si un salarié qui aura fait connaître son intention de faire grève a le droit de changer d'avis et de se présenter à son poste, il en va tout autrement de celui qui n'est pas convaincu de la nécessité de la grève 48 heures avant, mais qui décide, dans les heures qui précèdent, de participer au mouvement. Cette différence est significative de votre approche du problème et ignore ce que toutes les études montrent, y compris dans le domaine électoral : beaucoup de nos concitoyens se déterminent au moment du vote. Allez-vous dénier aux salariés la liberté de changer d'avis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)