…les inquiétudes de Guy Teissier, d'Alain Moyne-Bressand, les inquiétudes plus grandes encore exprimées par Philippe Folliot.
Comme le disait Mme Olivier-Coupeau : pourquoi cette loi ? Manifestement, vous n'avez pas réussi à convaincre de l'innocuité de ce projet de loi pour les forces de gendarmerie.
Si la volonté du Gouvernement se limitait à vouloir parvenir à une plus grande synergie et à une meilleure complémentarité des actions au profit de la sécurité, chacun pourrait convenir que cet objectif louable est susceptible d'être atteint grâce aux dispositions mises en oeuvre depuis 2002, qui placent certaines missions de police et de gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur. Si la volonté du Gouvernement consistait uniquement à aboutir à une rationalisation et à une mutualisation croissantes des moyens, chacun pourrait convenir aisément que cet objectif est réalisable depuis l'adoption de la loi de finances pour 2006, qui a regroupé au sein d'une même mission « Sécurité » les crédits de la police et ceux de la gendarmerie nationale. Marchés communs pour de nombreux matériels, mutualisation des marchés d'armement, mutualisation d'équipements, de l'entretien, de la réparation automobile, mais aussi échanges d'expérience en matière de formation et d'entraînement des unités chargées du maintien de l'ordre : autant de pratiques courantes ou en passe de le devenir.
Quelle est donc la véritable volonté du Gouvernement et du Président de la République ? Pourquoi rattacher cette arme au ministère de l'intérieur ? Pourquoi mettre un terme à l'un de nos plus grands principes républicains, la dualité des forces de police ? Ces questions se posent d'autant plus que certains pays européens qui en ont fait l'expérience récente ont exprimé après coup leurs interrogations et leurs doutes.
Chacun sait que ce dualisme constitue une protection pour notre démocratie, comme l'a excellemment indiqué Jean-Paul Bacquet. Or, quelles garanties nous sont données que les pouvoirs de police et de maintien de l'ordre ne relèveront pas d'une seule et unique source, d'une seule et unique autorité ? Notre histoire récente l'a malheureusement démontré : fusion et confusion des pouvoirs font rarement bon ménage.
S'il était voté sans modification, ce projet de loi constituerait selon moi un indiscutable recul des libertés publiques et des droits individuels, qui nous exposerait au risque d'éventuels excès de pouvoir.
En outre, le texte va jusqu'à supprimer la garantie fondamentale que représente la procédure de réquisition des unités armées par le pouvoir civil.
La gendarmerie sera donc désormais dans les mains du ministère de l'intérieur, tout en conservant un statut militaire pour quelque temps encore – le Président de la République s'y est engagé pour la durée de son mandat, mais la véritable question est de savoir jusqu'à quand vous pouvez nous garantir la préservation de ce statut.
Chacun en est convaincu, votre démarche aboutira inéluctablement à banaliser le statut des gendarmes. Les interrogations qui se font jour dans l'opposition, mais aussi dans la majorité – j'ai été attentif aux discours prononcés par mes collègues –, montrent que vous n'avez pas réussi à rassurer l'ensemble de la représentation nationale.
Vous provoquez ainsi une véritable crise identitaire chez des personnels dont la discipline et l'éthique sont reconnues et appréciées de tous. Vous prenez également le risque de voir réduit à terme, RGPP et réduction des effectifs obligent, le maillage exemplaire des unités de gendarmerie, présentes sur 95 % du territoire, au service de 50 % de la population.
Je conclurai mon propos en citant la campagne de publicité que le ministère de la défense vient de lancer autour du slogan « Pour une défense qui avance » : « Depuis toujours, la défense est au service de la paix, des valeurs et de la sécurité des Français. Aujourd'hui, plus que jamais, elle doit s'adapter pour affronter les risques à venir. »
Au regard de ces impératifs d'adaptation, monsieur le ministre de l'intérieur, ce projet de loi ne me paraît, selon les termes de votre prédécesseur, naguère ministre de la défense, ni opportune ni justifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)