Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi sur la gendarmerie, inscrit, après une longue attente, à l'ordre du jour de notre assemblée.
Je rejoins mes collègues du groupe SRC qui m'ont précédé pour réaffirmer les principes auxquels nous tenons, et redire que nous veillerons à ce qu'ils ne soient pas remis en cause : l'existence de deux forces de sécurité distinctes ; le caractère militaire de la gendarmerie ; le maintien de sa compétence, notamment en matière de police ; le maillage territorial, garantie du droit à la sécurité de nos citoyens. Pour ma part, j'insisterai plus particulièrement sur ce dernier point.
Dans la Revue de la gendarmerie nationale, le général Pierre Garcin déclare : « Dans sa zone de compétence, le gendarme est un acteur global de la sécurité. Il doit s'acquitter de toutes ses obligations vis-à-vis de la population et de l'État.» Les missions de sécurité – missions de contact, de prévention, de dissuasion, de police administrative, de renseignement, de police judiciaire, d'ordre public – ne peuvent donc être fractionnées sur un territoire, et le maillage territorial doit être maintenu.
Quelles en sont les conditions ? Le statut militaire lié à l'obligation de loger sur place est un élément fondamental de ce maillage territorial. Il suffit de regarder la carte des implantations actuelles des unités pour se rendre compte qu'elles sont indispensables à la politique de sécurité dans les zones rurales. La gendarmerie assure cette responsabilité sur 95 % du territoire, au profit de 50 % de la population.
La délinquance rurale, qui plus est, a changé, ainsi que l'indiquait Mme Alliot-Marie en réponse à une question au Gouvernement. Cette délinquance nécessite plus que jamais une connaissance des lieux et de la population, connaissance qui suppose que les gendarmes soient installés au coeur des territoires.
Si le niveau de délinquance dans les zones surveillées par la gendarmerie reste heureusement inférieur à celui des grandes agglomérations, la mission de sécurité attribuée à la gendarmerie n'en est pas moins difficile, compte tenu de la superficie du territoire à surveiller. La concentration des moyens sur une portion limitée de celui-ci priverait une partie importante du pays de toute présence permanente de forces de sécurité, ce qui serait inacceptable.
Avec des moyens humains plus modestes – 100 000 gendarmes, contre 146 000 policiers –, les gendarmes parviennent à offrir un service public de sécurité sur un territoire très vaste. Il ne faudrait pas qu'une analyse financière simpliste conduise à abandonner peu à peu l'obligation de loger sur place, car on verrait alors un nombre croissant de gendarmes habiter la ville voisine et venir chaque jour prendre leur service dans leur brigade.
L'examen de ce projet de loi nous permet également de nous interroger sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour la gendarmerie.
En parcourant, comme beaucoup de mes collègues, des secteurs ruraux et périurbains, je constate que l'une des principales préoccupations de nos concitoyens est le maintien des services à la population : les commerces, l'école, la poste, le médecin, bien sûr, mais aussi la caserne de gendarmerie, dont la présence rassure et tranquillise les habitants.
Monsieur le ministre, la gendarmerie doit perdre 1 500 emplois en 2009. Que va-t-il se passer ? Le principe de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sera-t-il appliqué à la gendarmerie ? Si oui, le maillage territorial en sera nécessairement la première victime, il ne peut en être autrement.
À l'heure où les moyens se développent pour correspondre et travailler à distance, il est regrettable que l'on continue de n'envisager que des regroupements de services, dont la conséquence est, au bout du compte, la désertification des territoires.
Il faut aussi rappeler qu'il existe plus de 3 400 brigades, ce qui montre la densité et la diversité du maillage, une densité et une diversité qui n'ont été rendues possibles que parce que de nombreuses collectivités – communes, départements – ont largement contribué à la construction, à la rénovation des casernes et des logements. Les gendarmes et leurs familles sont donc parfaitement intégrés, sont partie prenante à la vie économique, sociale et culturelle de nos communes.
Il est difficile, en vérité, de comprendre la finalité de ce projet de loi. Existe-t-il vraiment un problème de pilotage ministériel de la sécurité intérieure ? Il semble que, pour toutes les personnes que nous avons auditionnées, tel ne soit pas le cas. Le système, dans sa configuration actuelle, donne plutôt satisfaction aux citoyens comme aux élus. Le rattachement pour emploi au ministère de l'intérieur a d'ailleurs été réalisé avant même que la loi soit votée.
Bien que réaffirmant la nécessité de pérenniser l'existence de deux forces de sécurité, le projet ne lève pas le doute, et celui est encore renforcé par les délais. Il s'est écoulé plus de six mois, en effet, depuis la discussion de ce texte au Sénat en décembre 2008, et pourtant l'urgence avait été déclarée.