D'une certaine façon, en raison de son ancienneté et d'un travail permanent d'évolution, l'organisation de la gendarmerie apparaît très en avance sur ce qui existe dans certaines administrations : formation initiale exigeante, obligation de réussite à un examen professionnel pour devenir militaire de carrière, sélection des meilleurs par examens et concours pour accéder aux fonctions d'officiers de police judicaire et aux emplois de gradés, taux élevé d'officiers subalternes recrutés parmi les sous-officiers, mutation géographique régulière pour maintenir les gendarmes dans une dynamique professionnelle, sélection stricte des officiers supérieurs appelés à tenir des postes de commandement.
Les modes de fonctionnement, d'organisation, de promotion et de déroulement de carrière, hérités de la culture militaire, assurent l'efficacité de l'ensemble. Cette efficacité est d'autant mieux garantie à l'intérieur du ministère de la défense, qui partage cette culture. Nul n'est certain qu'il en sera de même en confrontant la culture d'efficacité militaire de la gendarmerie avec les modes d'organisation et de raisonnement d'un ministère civil.
La gendarmerie n'a donc rien à attendre de cette réforme concernant son efficacité et son organisation. La gendarmerie est une force militaire qui a des pouvoirs de police, elle n'est en aucun cas une police à statut militaire. Quant à l'institution d'une hiérarchie préfectorale sur les commandements de groupements, elle est une atteinte au statut militaire. Cette réforme n'est pas une réforme, c'est une révolution dans la gendarmerie. Le sénateur Haenel déclarait d'ailleurs, dans la discussion devant la Haute Assemblée : « Ce n'est pas un texte technique. C'est une réforme historique. ». Et de poursuivre : « Le projet ouvre le champ à tout en matière réglementaire, sans que le Parlement ait le moindre droit de regard. La recherche d'une plus grande cohérence ne doit pas conduire à une fusion, voire à la confusion. Il ne s'agit pas de plaire aux gendarmes, aux policiers ou aux préfets. Il ne s'agit pas non plus de leur déplaire. Il s'agit de ne pas porter atteinte à un équilibre acquis depuis les lois de Thermidor. Ce sont les libertés publiques et la liberté individuelle qui sont en jeu. »