Inquiétudes aussi, monsieur le ministre, exprimées par trois anciens directeurs de la gendarmerie : « Il faut savoir, et nous le disons avec la force que nous donne notre expérience de directeur de la gendarmerie, que ce texte ouvre la porte à toutes les dérives. Ce texte organise à terme l'impuissance de l'État. Il est de nature à porter atteinte à l'autorité judiciaire, privée demain de sa liberté et de sa souveraineté en matière de police judiciaire. Le remplacement de la règle de la réquisition par un simple ordre verbal ouvre la voie à toutes les aventures et, d'une simple crise, peut faire une émeute et parfois plus. Ce texte sape le principe de l'ordre hiérarchique à l'intérieur de la gendarmerie par une intervention préfectorale. » Les mêmes considèrent « insupportable au regard des libertés publiques que la gendarmerie soit laissée à la discrétion des préfets, sans la garantie fondamentale de la procédure de réquisition à la force armée, procédure qui était prévue et réglementée d'une manière minutieuse par le décret du 20 mai 1903 ». Et ils s'interrogent sur « la conduite de la politique pénale qui, si elle n'échappe pas au ministre de la justice, sera tout au moins largement partagée par le ministre de l'intérieur ».
Un ancien major général de la gendarmerie dont certains se sont désolidarisés dans un article du Figaro, le général de deuxième section Capdepont – mon ancien du Prytanée militaire – a écrit : « Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ne constitue pas une simple mesure administrative, mais une rupture historique et un bouleversement institutionnel qui pourrait avoir à terme des conséquences sur la sécurité des Français ». Il dénonce ce qui pourrait être « le premier pas vers une fusion » et affirme combien « il serait illusoire de croire que la gendarmerie pourrait garder durablement son statut militaire si elle cessait d'appartenir aux armées et si elle était rattachée à un autre ministère ».