Aujourd'hui, les jeunes gendarmes sont issus d'horizons très divers, de plus en plus citadins et sans lien avec le monde militaire. Il faut donc que nous nous montrions très vigilants pour garantir, à l'avenir, la spécificité de l'engagement, la pérennité des traditions et le caractère militaire de la gendarmerie nationale. Je voudrais à cet égard rendre hommage à l'action des associations de retraités ou amis de la gendarmerie, qui perpétuent tradition et attachement aux valeurs historiques de la gendarmerie.
Mes chers collègues, des garanties nous ont été apportées oralement par le Président de la République, qui a réaffirmé en novembre 2007 que « le principe de l'existence de deux forces de sécurité dans notre pays, l'une à statut militaire et l'autre à statut civil, est et sera maintenu ». L'ancienne ministre de la défense puis de l'intérieur, Mme Michèle Alliot-Marie, a également assuré à plusieurs reprises que cette distinction entre force civile et force militaire serait maintenue, comme vous l'avez fait à votre tour, monsieur le ministre de l'intérieur, il y a quelques instants. Toutefois, cette distinction doit, par-delà les mots, se traduire dans les faits.
Beaucoup, non seulement parmi nous, mais également dans les deux corps concernés, craignent qu'une certaine surenchère ne soit la conséquence de l'adoption de cette loi. Du reste, elle s'exprime déjà, de façon maladroite et outrancière, notamment au sein de certains syndicats policiers, avec l'alignement des statuts pour seul objectif. Toutefois, la conséquence ultime de cet alignement pourrait être la fusion des deux corps et la dissolution de leurs caractéristiques propres. Certes, monsieur le ministre de l'intérieur, nous connaissons votre attachement à la dualité de nos forces de sécurité mais, notre devoir étant d'avoir une vision prospective pour les décennies à venir, nous devons garantir les particularités de la gendarmerie, institution miliaire soumise au devoir de réserve, une fois qu'elle sera placée, aux côtés de la police nationale – institution civile et donc légitimement syndiquée –, sous l'autorité unique et exclusive du ministre de l'intérieur.
Jusqu'en 2002, chacun restait chez soi et dépendait, pour la police, du ministre de l'intérieur et, pour la gendarmerie, du ministre de la défense, ce qui engendrait, parfois, des situations de concurrence, voire des guerres de polices préjudiciables à l'efficacité des forces sur le terrain. Heureusement, à partir de 2002, la gendarmerie a acquis, la réforme étant engagée, une dimension interministérielle particulièrement intéressante, qui reflétait bien le lien qu'elle entretient, d'un côté, avec certaines missions remplies par la police et, de l'autre, avec certaines missions remplies par la défense. Ainsi, 90 % du budget relevait de la défense et 10 % de l'intérieur. Un certain équilibre avait été trouvé et beaucoup ont alors considéré que la situation était devenue satisfaisante.
Avec cette réforme, qui nous interpelle même si elle paraît nécessaire, c'est le lien historique avec la défense qui risque, sur bien des points, d'être brutalement et inopportunément rompu. Conserver cette dimension interministérielle eût été, à nos yeux, une bonne chose, quitte à inverser l'équilibre trouvé en confiant – pourquoi pas ? – 90 % du budget au ministre de l'intérieur, devenu le véritable chef fonctionnel de la gendarmerie, et les 10 % restant au ministre de la défense, chef organisationnel de la gendarmerie.