Mais au-delà des questions historiques et philosophiques je rappelle ici que l'État se renforce d'avoir en son sein deux forces distinctes. C'est d'ailleurs le cas partout en Europe : soit on trouve deux polices à compétence nationale et de statut différent, soit on trouve une police à compétence nationale et des polices à compétence régionale ou locale. Ne laissons pas l'hybris nous perdre… Alors que la France partage cette évidence qui veut qu'on ne s'en remette pas à une seule force, c'est bien vers cette aberration que nous mène votre projet de loi, quoi que vous vous en défendiez. L'histoire nous l'a appris : lorsqu'on crée les conditions du désordre institutionnel, le désordre apparaît.
J'ajoute qu'on peut jouer sur les mots mais que, lorsqu'on affirme maintenir nominalement deux forces distinctes mais qu'on les place sous un même ministre et sous un même préfet de département, on fait l'inverse de ce que l'on prétend.
Je reviens là aux félicitations que je vous adressais tout à l'heure, monsieur le ministre : la dérive institutionnelle qui consiste à modeler les institutions au projet politique du moment impose de renforcer les effectifs du ministère de l'intérieur de 100 000 gendarmes. Pourquoi ? Parce que ! Voilà où nous en sommes…
Ce projet est mauvais et contre-productif. Il fragilise la gendarmerie nationale en en faisant une force supplétive. Il renforce la tentation technocratique de supprimer les brigades territoriales sous couvert de réorganisation. Il intensifie un infernal effet de miroir déformant déjà existant entre policiers et gendarmes en une échelle de perroquet qui ruinera l'État. (Sourires.) Il prive enfin la République d'une jambe qui garantissait sa stabilité.
Lorsqu'on ouvre la jarre de Pandore, ce sont tous les malheurs qui se répandent sur la face du monde. Ne reste alors qu'une seule chose au fond du vase : l'espérance. Devrons-nous nous en contenter ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)