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Intervention de Françoise Olivier-Coupeau

Réunion du 1er juillet 2009 à 21h30
Gendarmerie nationale — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Olivier-Coupeau :

Non, monsieur le ministre, le terrorisme n'est pas une donnée nouvelle ; c'est une menace ancienne et sans cesse renouvelée. Le 11 septembre a assurément marqué un climax, mais il n'a modifié le terrorisme dans sa nature : l'argument n'est donc pas recevable.

De nouvelles menaces existent en matière de crime organisé, nous dit aussi Mme Alliot-Marie. Lesquelles ? Ou plutôt, ces menaces sont-elles si nouvelles ? Sommes nous confrontés à un crime organisé plus criminel ou plus organisé ? Sans remonter aux routiers des grandes compagnies, je rappelle que l'apparition de la criminalité moderne en France est traditionnellement datée du 21 décembre 1911, avec l'utilisation de la voiture automobile et de la violence armée par la bande à Bonnot, rue Ordener dans le 18e arrondissement de Paris. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Y a-t-il eu une telle rupture qualitative récemment ? Non. Un slogan ne peut pas tenir lieu de politique et la captation de la gendarmerie nationale par le ministère de l'intérieur n'apportera rien en matière de lutte contre la cybercriminalité.

Enfin, Mme Alliot-Marie nous parle de la violence dans les banlieues, laquelle est manifestement, pour le pouvoir, de même nature que le terrorisme et le crime organisé. La chronique de la violence dans les banlieues sensibles ne date pourtant pas d'aujourd'hui. Il est vrai que certaines politiques accroissent les tensions avant de les instrumentaliser. Mais quel est le rapport avec la gendarmerie nationale ? Par définition, la gendarmerie départementale est géographiquement peu présente dans les banlieues sensibles. Quant à la gendarmerie mobile, elle est déjà utilisée intensément partout où la situation est critique en matière de maintien de l'ordre. Ajoutons que les services spécialisés de la gendarmerie, comme les sections de recherche, sont déjà compétents dans l'ensemble de leurs ressorts, y compris dans les banlieues sensibles. Il n'y a donc aucun rapport entre les éléments avancés et le projet de loi.

Enfin, exécutons la plaisanterie des mutualisations. On nous explique qu'il faut rattacher la gendarmerie au ministère de l'intérieur parce que, depuis 2002, gendarmes et policiers ont été dotés de la même arme de service, parce que des marchés de véhicules de service ont été passés en commun, parce que des compagnies de CRS ont pu s'entraîner à Saint-Astier ou encore parce qu'il faut progresser en matière d'interopérabilité des systèmes de communication et de logiciels. Mais, monsieur le ministre, si tout cela a été possible, c'est l'éclatante démonstration que votre texte n'a aucune motivation organisationnelle avouable ! Laissez donc la gendarmerie là où elle est et constituez un établissement public industriel et commercial commun à la gendarmerie nationale et à la police.

De toute façon, la légende des optimisations ne résiste pas deux secondes à l'examen. Mes chers collègues, la France n'est pas l'Italie. La gendarmerie nationale et la police nationale ont chacune une zone d'action. Chaque force est seule sur son territoire, en tout cas en matière de sécurité publique. L'optimisation ne peut donc se faire qu'à la marge. De plus, les modes d'organisation de chacune des forces répondent aux spécificité du milieu : concentration des effectifs pour une police qui gère les concentrations de populations urbaines ; déconcentration pour une gendarmerie qui gère les espaces et matérialise le contrat républicain, selon lequel aucun citoyen ne doit être en danger parce qu'il réside loin des villes. Il en est ainsi depuis François Ier. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, on dit à Lorient que mettre un béret vert à un parachutiste n'en fait pas un commando de marine. Je vous dis, moi, qu'on optimise ou mutualise des fonctions aux spécificités comparables. On nous laisse entendre qu'il faut raboter les spécificités pour permettre les mutualisations : sophisme : Socrate est donc un chat…

J'en viens maintenant à un point particulièrement important et préoccupant. J'ai exposé les raisons pour lesquelles rien ne justifiait cette mesure punitive à laquelle vous soumettez la gendarmerie nationale. J'ai dit aussi combien les bénéfices à en retirer sont nuls. Je vais maintenant expliquer, mes chers collègues, en quoi les buts affichés ne seront pas atteints et en quoi les buts atteints fragiliseront la gendarmerie nationale, le service public de sécurité et la nation tout entière.

Le but affiché est d'« optimiser » le fonctionnement des polices en mutualisant les moyens. Je fais remarquer que l'ultime mutualisation est la fusion au sein d'une seule et même police. Enfin, une seule... Disons au sein d'une entité générale portant un nom générique, un seul uniforme, une seule couleur de véhicules, et j'ajoute : un seul statut. Comme c'est bien la gendarmerie nationale qui quitte sa vieille maison militaire pour aller s'installer au ministère de l'intérieur, c'est-à-dire au ministère des préfets et des commissaires, on voit bien que la tentation est désormais de démilitariser la gendarmerie – donc, à terme, de la supprimer.

Ce projet de loi est donc irrémédiablement un projet de loi anti-gendarmes. Affirmer l'inverse ne suffira pas à transformer les vessies en lanternes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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