Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon propos sera nécessairement limité, M. Bockel nous ayant fait un rapport exhaustif.
Lors de l'effondrement de l'Allemagne nazie en 1945, les troupes alliées sont entrées en possession de nombreuses archives et documents témoignant des persécutions subies par les peuples d'Europe.
Ces archives ont été rassemblées au sein du Service international de recherches, le SIR, créé le 1er janvier 1948 et installé à Bad Arolsen, en Allemagne, dans l'objectif d'aider les familles séparées pendant la guerre à se retrouver.
Aujourd'hui, il s'agit de clarifier une situation juridique confuse dans la mesure où les accords de Bonn de 1955 n'ont jamais été soumis à une autorisation parlementaire ni publiés au Journal officiel. Le protocole soumis à votre examen permettra de régulariser cette situation et pourra être ratifié.
Le Service international de recherches de Bad Arolsen exerce un mandat humanitaire au service des victimes de l'Holocauste. Il est issu du Bureau central de recherches installé à Londres dès 1943 auprès de la Croix-Rouge britannique par le quartier général des Forces alliées.
La migration massive des peuples dans toute l'Europe, conséquence des persécutions et des troubles de la guerre, avait en effet provoqué la dispersion d'innombrables familles.
Conformément aux accords passés, le gouvernement fédéral allemand s'est engagé à assumer la responsabilité financière du SIR, tandis que la direction et l'administration ont été confiées au Comité international de la Croix-Rouge, le CICR.
Les accords de Bonn placent le SIR sous la surveillance d'une commission internationale, aujourd'hui composée de onze États membres : l'Allemagne, la Belgique, la France, la Grèce, Israël, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni et les États-Unis. Cette Commission internationale est chargée d'assurer la coordination entre les gouvernements des États parties et fournit, en accord avec le CICR, les directives pour le travail du SIR.
On dénombre plus de 50 millions de dossiers concernant 17,5 millions de personnes : victimes juives du régime nazi, travailleurs forcés, résistants, Tziganes et autres groupes de la population. Les documents archivés occupent quelque 25 000 mètres linéaires d'étagères et l'on compte près de 225 000 mètres de microfilms.
Le fonds de Bad Arolsen peut se diviser en trois groupes de documents : ceux relatifs aux camps de concentration et d'extermination ; ceux ayant trait aux camps de travail, qui concernent tant les déportés que les travailleurs volontaires ; et, enfin, ceux concernant les mouvements de populations civiles non allemandes liés aux opérations de guerre pour la période 1944-1945 et aux suites du conflit.
Depuis sa création, et malgré les années, le SIR demeure très sollicité par les victimes de l'Holocauste et leurs ayants droit. Il détient en effet des documents qui peuvent ouvrir droit à des indemnisations.
En 2005, 150 828 requêtes, émanant de personnes directement concernées ou de leurs ayants droit, ont été enregistrées et 226 535 réponses ont été fournies. Le nombre de demandes en attente de traitement s'élève à près de 400 000.
En fait, le protocole soumis à notre examen vise à permettre l'ouverture des archives de Bad-Arolsen à la recherche historique. Cette ouverture participe d'un indispensable devoir de mémoire. Depuis 1996, une infime partie du fonds – à peine 2 % – est ouverte aux chercheurs. Il s'agit des documents non nominatifs qui contiennent notamment des informations générales sur les lieux de détention, sur les camps nazis, sur le travail forcé, sur les mesures de persécution en Allemagne et dans les territoires occupés par les Allemands. Ce matériel, dit « à caractère général », contenant parfois des noms de persécutés, ceux-ci sont occultés avant la consultation par des tiers.
Aujourd'hui, le protocole qui vous est soumis va permettre un élargissement des possibilités de consultation. Jusqu'ici, seules les personnes très directement concernées avaient accès aux documents. Mais, vous avez pu le constater, au cours des dernières années, des procédures ont été engagées à fin d'indemnisation. Elles ne sont pas faciles à mener à bien car les informations disponibles étaient finalement assez limitées, les avocats, les chercheurs n'y ayant pas accès. Avec l'ouverture des archives à des tiers, les efforts de ces personnes pourront aboutir, sinon à mettre en cause, du moins à rechercher la responsabilité d'établissements publics, de banques, de compagnies d'assurances, voire de pays qui ont été impliqués directement ou indirectement. Il ne faudrait évidemment pas que le devoir de mémoire se conjugue avec des préoccupations pécuniaires qui ne seraient pas du meilleur goût. Mais le nombre de procédures qui ont été diligentées dans les pays occidentaux, notamment aux États-Unis, donnent à penser que le protocole qui vous est soumis aura une importance pratique et juridique non négligeable.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je ne peux que me réjouir de vous demander d'approuver ce protocole. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire les bancs.)