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Intervention de Jean-Jacques Guillet

Réunion du 17 janvier 2008 à 15h00
Accord france-suriname sur la coopération transfrontalière en matière policière — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Guillet, rapporteur suppléant de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser notre collègue Jean-Marc Roubaud, rapporteur du présent projet de loi, que des raisons urgentes ont malheureusement retenu dans sa circonscription.

Le 19 décembre dernier, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre la France et le Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, signé à Saint-Laurent-du-Maroni, le 29 juin 2006. C'est un texte important pour notre département ultramarin, étant donné les problèmes que vous venez de rappeler, madame la secrétaire d'État, notamment l'importance des flux migratoires entre ce pays et notre département de Guyane, dus en grande partie à la situation politique au Suriname.

Situé tout au nord du Brésil, le Suriname, État indépendant depuis 1975 après avoir été une colonie néerlandaise, est limité à l'ouest par le Guyana, ex-colonie britannique, à l'est par la Guyane française et au nord par l'océan Atlantique. Il partage avec la Guyane une frontière terrestre de 520 kilomètres, le long du fleuve Maroni.

Si la coopération entre la France et le Suriname comporte différents volets, parmi lesquels des actions importantes dans le domaine de la santé, la sécurité, au sens large du terme, reste la pierre angulaire de nos relations. Il est indispensable de mieux maîtriser les mouvements migratoires et les flux de marchandises diverses, licites ou non, qui traversent cette frontière. De part et d'autre du Maroni vit en effet une même population, qui s'est toujours refusé à voir dans le fleuve autre chose qu'une voie de circulation, tandis que la faiblesse de l'État surinamais et de ses institutions ne lui permet pas d'en assurer le plein contrôle. Je vous rappelle que la Guyane compte environ 200 000 habitants et le Surinam, État particulièrement pauvre, 500 000.

La France et le Suriname ont signé un accord de réadmission le 30 novembre 2004 à Paris, que la France a ratifié en décembre 2005, mais que les autorités surinamaises, notamment un parti de la coalition au pouvoir, se refusent à approuver pour des raisons de politique intérieure. L'absence d'application de cet accord n'a toutefois pas empêché 3 599 éloignements de ressortissants surinamais en situation irrégulière en Guyane en 2006 et 2 457 de janvier à juin 2007.

Alors que le volet institutionnel de la coopération bilatérale en matière de sécurité contribue à la modernisation de l'administration de la justice, des services chargés de la prévention et de la lutte contre la criminalité et les fraudes, dans le respect des libertés publiques, l'accord de coopération transfrontalière en matière de police vise à renforcer le volet opérationnel de la coopération bilatérale dans ce domaine.

Cet accord a un champ d'application limité : en application de son article 1er, ses stipulations concernent exclusivement les forces de police et, pour la France, de gendarmerie, compétentes dans l'arrondissement de Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane française, et dans les districts de Marowijne et Sipaliwini, au Suriname, c'est-à-dire les circonscriptions administratives situées le long du fleuve, la première le long de la côte et la seconde dans la jungle. Elles ne sont en outre applicables que dans la zone frontalière, composée du fleuve Maroni lui-même et d'une bande de deux kilomètres de largeur de part et d'autre des rives de celui-ci.

L'article 2 précise le but de cette coopération transfrontalière, qui vise à « prévenir les faits punissables et faciliter la lutte contre la criminalité et la délinquance transfrontalières ».

Trois formes de coopération sont distinguées : les patrouilles conjointes, le détachement d'agents et la coopération directe. Dans tous les cas, ne sont autorisés à procéder aux actes de police que les agents de l'État sur le territoire duquel ils se trouvent, tandis que ceux de l'autre État remplissent exclusivement le rôle d'observateurs ou des fonctions de coordination.

La coopération directe peut consister en échanges d'informations statistiques, mais pas de données nominatives, car le Suriname ne possède pas de législation de protection des données personnelles.

L'accord met aussi l'accent sur la nécessité, pour les services concernés, de favoriser une formation linguistique appropriée au bénéfice des agents susceptibles de participer à des opérations transfrontalières. Ce point est essentiel car la barrière majeure à toute coopération directe entre les services de police français et surinamais reste la langue. Si des agents de la police militaire et de la police judiciaire du Suriname suivent des cours à l'Alliance française de Paramaribo et que la plupart d'entre eux sont capables de travailler en anglais, tel n'est que rarement le cas des agents français. Il serait dans notre intérêt de renforcer les formations linguistiques à destination de nos fonctionnaires de police et des douanes en poste en Guyane.

Cette coopération se déroulera dans le respect de la souveraineté des États, l'article 2 de l'accord soulignant que la coopération s'exerce sans préjudice des conventions internationales liant les États parties et de leur droit interne, et son article 9 permettant à un État de refuser sa coopération ou de la soumettre à certaines conditions lorsqu'il estime qu'elle pourrait nuire « à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public, aux règles d'organisation ou de fonctionnement de l'autorité judiciaire ou à d'autres intérêts essentiels de l'État ou de restreindre son droit national ».

Étant donné l'ampleur des mouvements migratoires illégaux entre la Guyane et le Suriname, le renforcement de la coopération policière et la mise en oeuvre de l'accord de réadmission sont absolument nécessaires pour l'équilibre même de notre département de Guyane. La France a ratifié le second, elle pourra approuver l'accord de coopération transfrontalière dès que le présent projet de loi aura été adopté par notre assemblée.

Mais la partie surinamaise, il faut le souligner, ne semble pas prête à faire de même. Je souhaite que la prochaine visite du Président de la République en Guyane soit l'occasion d'insister sur l'importance de ces deux accords et d'obtenir que ce blocage soit surmonté.

La commission des affaires étrangères a adopté le présent projet de loi et je ne peux que recommander à notre assemblée de faire de même.

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