Mesdames, messieurs les députés, chacune de vos interventions contient des éléments qui nous seront utiles au cours de ce processus de quelques mois.
Il y a tout de même des choses surprenantes. Ce matin, au Sénat, des parlementaires de gauche ont conclu que je tenais un discours de gauche et, cet après-midi, alors que j'ai dit à peu près la même chose – j'essaie d'être cohérent, je n'ai pas changé de l'année dernière à cette année ni de ce matin à cet après-midi –, on prétend que je tiens un discours ultra-libéral. Cela montre qu'on doit pouvoir arriver à un équilibre entre le social et l'activité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Attention, a dit M. Sirugue, le revenu de solidarité active est porteur d'un certain nombre de risques. Nous le savons. C'est un compromis entre différents acteurs pour pouvoir avancer. Dès le départ, ceux qui l'ont conçu ont expliqué qu'il devrait être mis en oeuvre dans le cadre d'une négociation sociale. Cette négociation est en train d'être lancée. Pour la première fois, les partenaires sociaux au plus haut niveau se penchent sur les questions de précarité et de RMI. On n'avait jamais parlé du RMI dans une négociation sociale avec la présidente du MEDEF jusqu'au mois de décembre dernier. C'est bien pour qu'il y ait un certain nombre de garanties.
M. Sirugue nous reproche ensuite d'aller trop vite. Si l'on ne veut pas laisser subsister des inégalités entre travailleurs pauvres et allocataires de minima sociaux, il faut franchir les étapes suivantes le plus rapidement possible, tout en donnant aux départements la possibilité d'adapter leurs propres dispositifs. Il ne s'agit pas de mettre un carcan sans tirer les leçons d'un processus évolutif expérimental mais bien au contraire de continuer à accroître les marges de manoeuvre des uns et des autres.
Mme Bello voudrait qu'on maintienne le RMI et le RSA. Je ne crois pas qu'on puisse aller ainsi vers la simplification. Je serai à la Réunion dans quinze jours, où est organisé un Grenelle local de l'insertion. J'espère la convaincre qu'on peut remplacer le RMI par le RSA, même s'il y a de nombreux allocataires du RMI.
M. Vercamer, au nom de son groupe, a fait de nombreuses propositions sur ce que pourrait être le contrat unique d'insertion. Il nous a donné une esquisse qui sera certainement très précieuse pour l'évolution de la réforme des contrats aidés. Pierre Cardo, lui, a su insister sur le lien, qu'il connaît bien, entre les entreprises d'insertion et les entreprises du secteur classique. Ce sera certainement utile au groupe qui travaille sur les obligations des employeurs.
Le président Méhaignerie a rappelé que les dépenses sociales, et pas simplement les 30 millions d'euros prévus pour l'expérimentation du RSA, représentaient un certain nombre de milliards, et qu'il était possible de les réorienter de façon plus efficace vers l'insertion. Nous en sommes convaincus. Il faut pour cela avoir une démarche d'objectifs. C'est ce que nous ferons dans un cadre contractuel avec l'agglomération de Vitré, qui veut essayer de réduire d'un tiers la pauvreté en deux ou trois ans, au lieu des cinq ans prévus par l'État, pour donner l'exemple aux autres.
M. Cuvillier s'est demandé s'il y avait une cohérence dans notre démarche. Quand on travaille sur l'insertion, se posent évidemment des questions de logement ou de santé, mais qui trop embrasse mal étreint. Si nous faisons un Grenelle de l'insertion, ce n'est pas par plaisir, c'est parce que les acteurs de l'insertion l'ont demandé. Nous nous sommes alors demandé si l'on allait tout traiter à la fois ou prendre un ensemble cohérent autour de l'insertion professionnelle et de l'accompagnement social. De deux choses l'une, leur ai-je dit. Si, au bout de six mois de Grenelle, vous trouvez que ça ne sert à rien, ce ne sera pas la peine d'aller plus loin. Si vous trouvez que, sur ces sujets, on a pu faire avancer les choses, on pourra peut-être continuer sur d'autres thèmes, sachant qu'ils avancent parallèlement, comme vous le savez.
Noël Mamère nous a demandé où était le lien entre le Grenelle de l'environnement et le Grenelle de l'insertion. C'est simple. À eux deux, ils font le Grenelle du développement durable, dont on dit toujours que c'est l'environnement et l'insertion. Ce n'est pas une figure de style puisque nous avions déjà instillé un certain nombre de thèmes dans le Grenelle de l'environnement et que nous travaillons avec leurs instigateurs à faire le lien. Vous savez très bien que les emplois d'insertion sont très souvent créés dans le secteur de l'environnement et qu'il y a là des choses à faire.
Monsieur Soisson, vous avez rappelé les enjeux de la formation professionnelle, que vous connaissez fort bien. Vous avez été nombreux à souligner qu'on devrait consacrer une grande partie des 26 ou 27 milliards d'euros consacrés à la formation professionnelle aux personnes qui en ont besoin.
Roland Muzeau a repris l'antienne que j'entends depuis quelques mois – il faudrait être sourd pour ne pas l'entendre ! – opposant les quelques dizaines de millions d'euros consacrés au RSA aux milliards qui auraient été dépensés ailleurs. On ne peut pas affirmer cela et dire dans le même temps qu'il faut avancer lentement en la matière. Je répondrai très simplement que ces dizaines de millions d'euros permettront de lancer le dispositif. S'il fonctionne, on trouvera les sommes nécessaires pour généraliser le RSA parce tout le monde sera convaincu qu'il s'agit d'un investissement rentable. En effet, il aura permis à un plus grand nombre de personnes de retrouver un emploi, ce qui diminuera les dépenses sociales des sommes aujourd'hui versées comme revenu de substitution à des personnes qui pourraient pourtant travailler. Nous verrons si la suite nous donne raison.
Laurent Hénart, vous nous avez dit qu'au-delà du contenu de telle ou telle mesure, c'est la manière dont la gouvernance de la politique d'insertion sera organisée qui est essentielle : on ne peut pas réduire les collectivités territoriales au rôle de simples exécutantes, comme s'il s'agissait de services extérieurs de l'État auxquels on sous-traiterait cette politique. Vous qui coprésidez, avec Christophe Sirugue, le groupe de travail consacré au thème de la gouvernance de la politique publique d'insertion, vous avez dans ce domaine une responsabilité toute particulière. Le débat a mis en évidence la nécessité de modifier les équilibres existant entre les différentes collectivités en matière d'insertion. Il arrivera un moment où les agglomérations manifesteront la volonté de devenir l'épicentre du système, les départements le barycentre, et les régions le centre, et où l'État prétendra consentir à leur déléguer ces missions tout en les gardant en réalité dans son périmètre. Ce sera donc une responsabilité très lourde que de faire émerger la nouvelle gouvernance des politiques d'insertion qui nous permettra de sortir du saucissonnage et de l'émiettement qui font perdre toute crédibilité à cette politique.
Alain Joyandet a eu raison de nous rappeler que les préoccupations de terrain devaient présider à l'instauration des nouveaux dispositifs, de même qu'il a eu raison de nous rappeler qu'on pouvait faire jouer des clauses d'insertion à l'hôpital et dans les administrations.
Vous avez souligné, madame Branget, l'importance du dispositif deuxième chance. L'établissement public chargé de ce dispositif participant au Grenelle, il pourra nous faire bénéficier de son expérience et nous aider à comprendre pourquoi on ne parvient pas à passer à la vitesse supérieure.
Madame Hostalier, vous avez bien fait d'insister sur l'importance de la prévention. Entre autres points, Valérie Rosso-Debord, vous avez évoqué la notion d'employabilité et souligné l'importance de l'évaluation dans la mise en place de politiques efficaces et globales.
Au-delà des nombreux messages que vous nous avez fait passer et que nous décrypterons, la tonalité générale qui se dégage de l'ensemble de vos interventions montre qu'il s'agit de gérer la contradiction entre la nécessité pour les politiques d'insertion d'évoluer, en dépit de certains conservatismes paradoxaux, et une demande de stabilité : si les règles changent tous les ans, cela ne fonctionnera pas.
C'est pourquoi nous proposons de construire, dans le cadre du Grenelle, un changement d'une autre nature. Il ne s'agira plus de substituer à un dispositif A un dispositif B, comportant un autre contrat, sous un autre sigle, nécessitant un autre formulaire CERFA – centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs – et une nouvelle formation, mais de donner les moyens de construire, à partir des dispositifs existants, des outils sur mesure, adaptés aux besoins locaux. C'est en cela que les changements sont légitimes.
Ainsi, ce n'est pas pour faire de la nouveauté à tout prix que nous nous efforçons de bâtir le contrat unique d'insertion, mais parce que les acteurs du terrain, dans les entreprises d'insertion, les syndicats et parmi les employeurs nous disent dit qu'ils en ont besoin.
Si vous aviez eu besoin de nous convaincre que le chemin était difficile, vous auriez réussi, mais nous en étions convaincus d'avance ; si vous aviez eu besoin de nous convaincre de l'étendue de votre implication, de votre vigilance et de votre esprit constructif dans ce débat, notamment de ceux qui, parmi vous, participent très activement à nos groupes de travail, j'en serais plus convaincu que jamais. J'espère que nous serons à la hauteur de vos attentes, et je vous remercie d'avoir donné de votre temps à ce sujet qui nous est cher. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)