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Intervention de Françoise Hostalier

Réunion du 17 janvier 2008 à 15h00
Grenelle de l'insertion — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Hostalier :

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, chers collègues, l'exercice est difficile en cinq minutes, tant il y a à dire sur ce sujet !

Permettez-moi tout d'abord, monsieur le haut-commissaire, de vous féliciter de votre démarche. Vous avez choisi d'être à l'écoute des acteurs de terrain, et aujourd'hui des élus nationaux, avant de déterminer vos lignes d'action et les mesures que vous mettrez en place. Je vous remercie d'associer la représentation nationale à la recherche de solutions à ce formidable défi qu'est l'insertion sociale des personnes les plus démunies.

Nous savons tous que la bonne volonté ne suffit pas. Quoi que l'on en dise, les associations, les collectivités, l'État font un effort considérable pour permettre l'insertion sociale des personnes en difficulté. Mais force est de constater – et notre présence aujourd'hui en est la preuve – que cela ne marche pas très bien. Pire, la précarité touche désormais de nouveaux publics : les jeunes, les femmes – souvent avec enfants – et les personnes de plus de cinquante ans.

Elle touche des catégories de personnes qui ont un potentiel, mais qui sont ce que l'on peut appeler des accidentés, voire des traumatisés, de la vie, et les différentes formules existantes pour les aider à trouver ou retrouver un emploi ou un statut social en tiennent rarement compte. Il arrive même que les solutions proposées soient des handicaps supplémentaires.

Il faut du temps pour se remettre d'un accident, il faut même parfois éviter de remarcher trop vite pour ne pas rechuter. Il en va de même de l'insertion sociale, mais cet aspect est totalement gommé dans une société où tout va vite et où seules comptent la réussite et l'excellence, dans une société de plus en plus complexe aussi, ce qui contribue à éloigner encore un peu plus les personnes les plus fragiles.

Les tracasseries administratives, les critères d'éligibilité aux multiples contrats, ce parcours du combattant, ce cercle vicieux entre logement, emploi et transport sont une cause supplémentaire d'exclusion.

Tout a été dit sur la succession de contrats précaires, censés permettre le retour à l'emploi mais trop souvent détournés de cet objectif. Régulièrement, on en change l'habillage – il y a eu les emplois jeunes, il y a les contrats d'avenir –, mais l'issue est souvent la même à l'épuisement des renouvellements : le chômage ou le RMI, mais souvent sans le « I ».

Ce qui manque à tous ces dispositifs, c'est l'accompagnement social dans la durée.

Il y a deux ans, j'avais rédigé un rapport sur la polygamie en France. Les associations qui travaillaient à l'accompagnement des femmes dans le cadre de la décohabitation m'avaient expliqué qu'il fallait entre trois et cinq ans pour stabiliser une famille. Il faut avoir conscience de cet aspect du temps dans les politiques de reconstruction humaine.

Il faut aussi faire très attention, quel que soit le type de contrat, à ne pas tromper les gens. Je me souviens d'un jeune qui avait décroché un emploi-jeune dans un collège. Comme beaucoup d'autres, il n'avait pas eu de véritable accompagnement pendant toute la période de son contrat. À la fin, il était sorti sans rien : pas de qualification, pas de nouveau contrat, et une fragilité supplémentaire, la perte de confiance en lui et dans la société. Vous voyez, m'avait-il tout simplement dit, ils m'ont jeté, je ne vaux rien.

Quel que soit le type de contrat que vous mettrez en place, il faut qu'il soit simple pour tous les acteurs, employeurs, associations, bénéficiaires, et durable, voire définitif pour certains. Il faut un accompagnement adapté, de la souplesse, du sur mesure, et, surtout, des passerelles avec les dispositifs de formation et de qualification ordinaires pour ne pas ghettoïser les personnes qui suivent un parcours d'insertion.

Ce qui me paraît essentiel, c'est la prévention car, comme dit l'adage, mieux vaut prévenir que guérir. Là aussi, il faut faire preuve d'imagination.

Prévenir l'exclusion c'est, par exemple, aider une entreprise à adapter son personnel ou son outil de production plutôt que de recourir au licenciement, comprendre que ce genre d'investissement a des avantages collatéraux énormes en la matière.

C'est aussi développer des activités réputées non rentables mais qui offrent du travail à des personnes non qualifiables et qui leur assurent leur place dans la société. On a supprimé les poinçonneurs dans le métro, les pompistes, les concierges. Il faut réinventer des activités de proximité.

C'est enfin tout faire pour empêcher le décrochage scolaire, d'abord en aidant les parents dans leur rôle de parents. Le système éducatif a sa part de responsabilité dans l'échec scolaire, mais la démission des parents et de la société en général en est la première cause.

Il vaut mieux empêcher quelqu'un de se noyer que de devoir le ranimer. S'il est indispensable de travailler sur l'insertion, il me paraît primordial de travailler d'abord sur la prévention du décrochage social

Tous les gouvernements qui se sont succédé au cours des quinze dernières années ont essayé de mener des actions d'insertion sociale. On peut toujours penser que cela aurait été pire s'il n'y en avait pas eu, mais il faut bien reconnaître que la situation s'aggrave.

Ce qui a manqué le plus souvent, c'est la cohérence dans les actions, et je ne voudrais pas que le gouvernement actuel persiste dans cette dérive.

On entend parler d'un plan Marshall pour les banlieues, de lutte contre l'échec scolaire, du retour à une police garantissant la sécurité dans les zones urbaines sensibles, de la culture à la portée de tous, d'une politique du logement sans précédent.

Si ces politiques sont menées séparément, l'État et les collectivités vont encore dépenser des millions d'euros pour rien, mais, si elles sont menées en complémentarité, avec intelligence, et focalisées sur l'insertion sociale des personnes, dans le respect des valeurs de la République, à travers une activité économique ou sociale, en respectant la dignité des personnes, chacune de ces actions sera alors renforcée par l'autre et tous seront gagnants, à commencer par ceux de nos concitoyens les plus en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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