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Intervention de Huguette Bello

Réunion du 17 janvier 2008 à 15h00
Grenelle de l'insertion — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Il me semble important d'observer que la vocation de l'insertion est double. D'une part, elle doit favoriser l'accès à l'activité et au travail de ceux qui en sont exclus. D'autre part, elle est aussi l'espace où se forgent des activités qui correspondent à des besoins ressentis par tous les citoyens, mais auxquels le secteur économique classique n'apporte pas de réponse. En ce sens, l'insertion est aussi le vivier des emplois de demain. Son aspect créatif doit être fortement souligné. C'est ainsi, par exemple, que la protection et la valorisation de l'environnement ou les services à la personne constituent des gisements d'emplois importants pour peu qu'on se donne les moyens de les imaginer et l'énergie de les mettre en oeuvre : des milliers d'emplois pourraient être, de cette façon, offerts aux jeunes Réunionnais.

Il va de soi que le caractère global de l'insertion nous fait souhaiter que, loin d'aggraver la séparation – voire l'opposition – entre l'économie solidaire et l'économie marchande, ce Grenelle de l'insertion soit une occasion privilégiée de les mettre en synergie. Rien n'est plus décourageant pour les bénéficiaires ni plus dommageable pour l'économie solidaire que la trop fréquente dévalorisation des emplois aidés. Le temps n'est plus aux oppositions arbitraires, idéologiques, et finalement stériles. L'ouverture de nos esprits à la réalité du travail nous oblige à lancer toutes les passerelles possibles entre l'économie marchande et l'économie solidaire. L'implication des entreprises par le biais de la clause du mieux-disant social ou du tutorat a montré ses limites. Sans doute, comme vous le proposez, faut-il commencer à chercher la façon d'associer davantage les entreprises à cet effort d'insertion. Une des pistes serait d'envisager leur participation sur le modèle de ce qui s'est fait pour la formation permanente.

Malgré de nombreuses créations d'emplois, mais du fait de l'arrivée massive des jeunes sur le marché du travail, l'île de La Réunion a une longue expérience des politiques d'insertion. Aux dispositifs de droit commun sont venues régulièrement s'ajouter des mesures spécifiques : l'allocation de retour à l'activité – à laquelle s'apparente d'ailleurs le nouveau RSA – ; le projet initiatives jeunes ; le revenu de solidarité ; enfin, une agence départementale d'insertion.

De notre expérience longue et multiple de l'insertion, nous pouvons tirer deux enseignements principaux.

L'insertion, elle aussi, a d'abord besoin de stabilité. Les trop fréquentes évolutions de ses procédures lui sont nuisibles. Personne ne peut comprendre que l'on supprime les dispositifs qui fonctionnent bien. Il en a été ainsi des emplois-jeunes, dont le succès, à La Réunion, avait été phénoménal. Il en a été ainsi, plus récemment, du congé-solidarité auquel le Gouvernement vient de mettre fin en dépit des milliers d'emplois pour les jeunes diplômés qui étaient à mettre à son crédit. À sa manière, le succès jamais démenti du plus vieux dispositif d'insertion, le service militaire adapté, ce SMA créé dans les départements d'outre-mer il y a plus de quarante-cinq ans et qui a même survécu à la suppression du service militaire, montre que la continuité dans les dispositifs est une condition sine qua non du succès de l'insertion. Il va de soi que la stabilité des financements en est une autre.

Outre la stabilité, notre expérience nous montre que l'insertion suppose aussi une bonne structuration de l'économie solidaire, capable de favoriser des itinéraires d'insertion cohérents. Un quart de siècle après le début des politiques d'insertion, il est temps de créer un secteur spécifique pour l'insertion. Du fait des évolutions souvent déstabilisantes du marché du travail, aucun salarié, jeune ou plus âgé, avec ou sans diplôme, n'est à l'abri de ruptures ou de changements au cours de sa vie professionnelle.

Le contrat unique d'insertion, dont la création a été curieusement annoncée avant même le lancement de ce Grenelle, est-il le signe précurseur d'une évolution en ce sens ? La superposition des contrats aidés avait fini, il est vrai, par brouiller le paysage de l'insertion. Mais la fusion préconisée préservera-t-elle assez de souplesse pour répondre aux caractéristiques des différents publics et des divers territoires ? L'échec patent de l'application du contrat d'avenir et du revenu minimum d'activité à La Réunion est un précédent à méditer.

À côté de la fusion des contrats aidés, vous avez déjà annoncé aussi celle des minima sociaux. Aborder cette réforme dans le cadre du Grenelle sans parler de la question de leur revalorisation serait incompréhensible. Le « choc de confiance » passe aussi par ce préalable.

Enfin, puisque la généralisation du revenu de solidarité active, bien avant la fin de l'expérimentation de trois ans qui avait été prévue, semble acquise, pouvez-vous d'ores et déjà nous préciser quel sort sera réservé à ceux qui ne trouveront pas d'emploi ? Quelle allocation leur sera versée ? Qui en assurera le financement ? Ce nouveau dispositif, vous le savez, suscite questions et inquiétudes. Ne serait-il pas raisonnable, plutôt que de substituer le RSA aux minima sociaux, de les faire coexister ?

Nous savons tous à quel point ces questions sont sensibles et qu'elles concernent des personnes en situation de fragilité. Aussi l'audace nécessaire doit-elle rester empreinte de sérénité.

Je vous remercie, monsieur le haut-commissaire, de prendre en considération ces remarques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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